Patrimoine de Brissac : Notre Empreinte

Investigation artistique sur la mémoire des villages. Chapitre 1 : L'arrivée au village



5- Sur la route de St Bauzille



Texte : Le Cri Dévot, d'après La Mastication des Morts de Patrick Kermann
Voix : Le Cri Dévot


Le soir, après le goûter et les devoirs, vers six heures, je prenais le pot à lait dans la cuisine, un pot métallisé et cabossé muni d’une poignée en bois puis je sortais mon vélo blanc à trois vitesses de l’appentis du jardin pour me rendre à la ferme des Riboux.

Et toujours, passé le fossé à purin à droite du grand portail en pierre, évitant les poules et dindons, je posais mon vélo contre le mur crépi blanc, et nez bouché toujours, apeuré déjà d’affronter les milliers de mouches qui tournoyaient au-dessus de la petite table à droite, dans l’entrée, sur laquelle étaient posés les pots plein de lait chaud, avec un petit billet à l’orthographe approximative qui indiquait le nom du destinataire et son compte de la semaine en lait et en œufs et puis, juste la tête passée dans l’entrebâillement de la porte de la cuisine ou trônait déjà le père Riboux, le couteau à la main, tranchant dans l’épaisse miche au-dessus de l’assiettée de soupe fumante, tandis que la mère envoyait un rapide signe de tête et vite, je sortait vers mon vélo, écartant de moi le pot chaud dont le contact m’indisposait et à nouveau nez bouché je grimpais sur la selle, dans la hâte prudente de quitter enfin la ferme des Riboux et de ne pas renverser le lait, évitant dans la vitesse et la montée en danseuse de la grande côte, le balancement du pot contre ma cuisse nue en été. Et sitôt déposé le lait à la cuisine, remercié d’un acquiescement de tête par la mère, je m’enfuyais dans ma chambre jusqu'à l’heure du repas, maudissant pour un temps, ce lait chaud battant contre ma cuisse.



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