Patrimoine de Brissac : Notre Empreinte

Investigation artistique sur la mémoire des villages. Chapitre 1 : L'arrivée au village



8- Sur la route de Cazilhac



Texte : Le Cri Dévot, d'après La Mastication des Morts de Patrick Kermann
Voix : Le Cri Dévot


Ce fut après l’école primaire que commençait une vie nouvelle, nous poussant hors du bourg, au collège intercommunal de Ganges. Ce fut l'âge des premières comparaisons, ce fut l'âge de la découverte d'autres idiomes si proches du parler de Brissac mais si éloignés parfois, dans ses accents et mots, qu'inévitablement, à la pause du déjeuner, éclataient rires, moqueries ou polémiques à propos de telle prononciation qui nous semblait soit cocasse soit absolument dénuée de toute chose signifiée. Ce fut surtout l’âge qui abolit la séparation encore marquée dans la cour de récréation et dans les classes mêmes, entre les garçons et les filles, ce fût l’âge des premiers attouchements, des baisés volés, des caresses osées.

Ce fut l’âge des espoirs et déceptions, des rêves inassouvis, des lits pollués au réveil. Ce fut à cet âge-là qu'au retour du Vigan, dans le virage juste avant Brissac, par la porte entrouverte de la grange au foin, alors que le car rétrogradait dans cette épingle bordée d'un profond fossé, je vis, et moi seul vis, ce lundi d'automne, George Vinchon et Huguette Blandin, curieusement vautrés, dans une posture dont le sens ne m'apparut que des années plus tard et dont je n'ai pu reconstituer qu'avec peine l'agencement soit sur le ballot imposant, le visage vers le battant tourné, Huguette Blandin couchée, les bras en l'air, par une corde attachée, offrant ses fesses au ventre de Georges Vinchon qui battait sur un rythme frénétique tout en fouettant, avec une verge d'osier, je suppose, le dos nu de la femme qui, j'en suis sur, leva les yeux au bruit du car, dans la crainte d’être vue en même temps que l'impuissance a cesser là ce qui était suprême plaisir. J'eus beau m'évertuer à raconter la scène ainsi que je crus alors la comprendre, aucun de mes camarades n'y accorda crédit et on la rejeta comme fabulation.



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