L'élevage



Auteur : Manuel Ibanez, Claire Lecoeuvre, Emmanuelle Genevet, Guilhem Aussibal, Rémi Auréjac
Date : novembre 2013


La garrigue est par essence une terre de pastoralisme. Néanmoins, les troupeaux de brebis ont aujourd’hui déserté les vastes plateaux. L’avenir de l’élevage ovin transhumant reste fragile alors que bovins, caprins et équins prennent une place nouvelle dans le paysage.


La garrigue : paysage pastoral


Les grands types de végétations pastorales
Les paysages de garrigue sont composés de formations végétales complexes garantes d’une diversité de ressources alimentaires
pour les troupeaux. Différents milieux pastoraux peuvent être identifiés. Les pratiques pastorales n’y sont pas les mêmes. Ces milieux sont déterminés selon le taux de recouvrement de la végétation (dense ou clairsemée) et sa stratification (herbacée, arbustive, arborée). Ils sont généralement classés en 4 grandes catégories : les pelouses, les landes, les taillis * et les bois.
• Les pelouses riches : avec un couvert essentiellement herbacé, il y a peu de sols nus et de broussailles. Elles sont en général composées de graminées à bonne valeur fourragère et de légumineuses. Utilisées par les troupeaux au printemps et à l’automne, elles sont particulièrement
recherchées. Les pelouses à Brome que l’on trouve notamment dans les garrigues de Lussan, font partie de ces pelouses riches.
• Les pelouses clairsemées : elles se trouvent en conditions moins favorables, sur terrains caillouteux et présentent plus de sol nu et de buissons. De nombreuses pelouses à Brachypode sur calcaires durs sont dans ce cas. Néanmoins selon l’espèce dominante, ces pelouses peuvent être très intéressantes pour les troupeaux. C’est le cas des pelouses à Aphyllanthe par exemple.
• Les landes herbacées : ce sont des milieux buissonnants (Genêt scorpion, filaire, pistachier...) mais dans lesquels la strate herbacée est encore assez présente pour constituer la ressource principale pour les bêtes.
• Les landes fermées herbacées : les buissons et arbustes (buis, genévrier cade…) occupent une grande partie de la surface tout en ayant de l'herbe à leur pied. Selon l’époque d’utilisation et les espèces dominantes, ce sera soit les feuilles des buissons, soit les herbes soit les deux qui constitueront la ressource principale.
• Les landes ligneuses : elles sont recouvertes de ligneux * bas de façon quasi continue laissant très peu d’espaces herbacés. C’est le cas par exemple du matorral * à Chênes kermès très présent dans les garrigues de Nîmes, sur le Bois des Lens ou sur le Causse d’Aumelas. Ce sont les jeunes pousses appétantes et digestibles des broussailles, ainsi que les fruits (glands) qui forment la majorité de la ressource utilisée dans ces milieux.
• Les taillis : ils peuvent avoir un sous-bois avec de jeunes rejets et quelques herbacées faisant ressource et ceci d’autant plus s’ils sont plus clairs. Néanmoins dans les taillis de chênes denses aux sous-bois obscurs, empêchant la présence de végétation au sol, la “rame” (le feuillage des arbres) peut être valorisée aux endroits pénétrables par le troupeau.
• Les bois clairs avec herbes : lorsque le couvert arboré est faible, la végétation peut pousser au sol. L’herbe peut alors être pâturée, et les glands des chênes consommés. Néanmoins, sous les Pins d’Alep notamment, très peu d’espèces poussent au sol, même lorsque la densité n’est pas très forte et la litière d’aiguilles peu importante.
• Les bois avec broussailles et tapis herbacé : laissant des espaces de passage, d’herbes, feuilles et jeunes pousses de broussailles peuvent à certains moments être consommées par les troupeaux.
• Les bois avec sous-bois épais : seuls les arbustes et les broussailles les plus accessibles peuvent être valorisés en gardiennage.

Des savoir-faire ancestraux toujours au goût du jour
La pratique ancienne de l’élevage ovin, basée sur le parcours du troupeau au sein de milieux diversifiés et complexes a permis le développement de savoir-faire particuliers à ce territoire des garrigues.
La conduite du troupeau et la façon de garder doivent prendre en compte de nombreux paramètres tels que la saisonnalité de la ressource, la complémentarité entre différents milieux, les besoins des bêtes, l’accessibilité des zones, le temps de pâturage, la météo, etc. Ainsi, le berger va organiser des circuits de pâturage et de parcours qui permettent l’utilisation optimale du milieu. Afin d’explorer plus de surfaces, il amène les brebis ou les chèvres à pâturer là où elles n’iraient pas spontanément. La connaissance du terrain tant par le berger que le troupeau permet une gestion subtile et intime du milieu.
Ces savoir-faire sont toujours pratiqués aujourd’hui pour le pâturage des troupeaux ovins. La transmission se fait de berger à berger, d’éleveur à éleveur. En ce qui concerne les troupeaux de chèvres nouvellement apparus, le pâturage et le gardiennage se développant, il s’agit plus d’une
réappropriation de savoir-faire (par lecture, rencontre de bergers et d’anciens) que véritablement d’une transmission.
Néanmoins, ces pratiques ont dû s’adapter à de nouveaux contextes. L’un des principaux est la fermeture des paysages du fait d’une déprise
agricole ancienne aujourd’hui accentuée par la pression urbaine. Ainsi, les éleveurs ont développé de nouvelles stratégies permettant d’optimiser
la valorisation des milieux parcourus en associant au pâturage des pratiques complémentaires de débroussaillement.

Un élevage en mutation


Il existe plusieurs types d’élevage sur le territoire des garrigues : ovin, caprin, bovin, de loisirs... Tous ont connu des évolutions différentes au cours des 50 dernières années.

L’élevage ovin transhumant
Cet élevage, considéré comme “originel”, reste indissociable de l’image de la garrigue.
Si, pendant des siècles, le mouton a surtout été élevé pour sa laine, la quasi-totalité des élevages ovins du territoire produit aujourd’hui de la viande, la filière s’étant spécialisée dans la production d’agneaux.
Longtemps, l’élevage de brebis a été associé aux cultures, en particulier celle de la vigne. En effet, ces terres cultivées bénéficiaient alors du migou (le fumier des moutons) qui enrichissait les sols. En parallèle, le troupeau profitait du riche tapis herbacé poussant entre les rangs de vigne, ou dans les parcelles de céréales après la moisson. Ces pratiques permettaient une complémentarité étroite entre les zones cultivées de plaines et de bassins et les espaces de garrigues rocailleuses. Selon la saison, le berger
faisait paître son troupeau dans ces différents milieux. Dans de nombreux mas, comme dans la région de Quissac par exemple, l’exploitation
de la vigne et l’élevage de moutons étaient intimement liés.
L’élevage ovin des garrigues a connu un très fort déclin au cours du XXe siècle. Plusieurs raisons peuvent être avancées.
La spécialisation viticole de la région a modifié tout le système agro-sylvo-pastoral. La main-d’oeuvre et les investissements ont principalement été orientés vers la viticulture, plus rentable, au détriment des activités pastorales.
Ce phénomène s’est amorcé dès le milieu du XIXe siècle, s’accélérant au cours des décennies qui ont suivi. À cela, s’est ajouté durant la
même période, un très fort exode rural.
La valorisation du mouton s’est recentrée autour de la seule production de viande du fait de l’effondrement de la demande des autres produits : laine et migou. Ce dernier notamment n’a plus été utilisé dans les vignes avec l’arrivée des fertilisants minéraux dans l’après-guerre. Les parcours ont alors été réduits aux seules zones de garrigues reculées, ne pouvant plus aller sur les espaces agricoles et viticoles où le désherbage chimique s’est généralisé.
De plus, des crises sanitaires aux conséquences désastreuses se sont succédés au cours du XXe siècle. Il s’agit de la brucellose ovine. Causée par une bactérie, cette maladie a pour principal effet de faire avorter les brebis pleines. Elle est très contagieuse et transmissible à l’Homme. Afin d’enrayer l’épidémie, certains troupeaux ont été entièrement abattus. Un dépistage devenu obligatoire à partir des années 1970 et un vaccin ont permis de contenir la maladie et ainsi de limiter par la suite les abattages. Pour autant les éleveurs les plus durement touchés ont le plus souvent arrêté leur activité. Le suivi annuel des troupeaux permet aujourd’hui de réguler la maladie.
Sur les zones d’estive, les grands reboisements, sur le Mont Aigoual notamment, à la fin du XIXe siècle ont fortement réduit les zones favorables au pâturage. Les conflits entre éleveurs et forestiers ont d’ailleurs été nombreux à cette époque. L’équilibre entre le maintien de zones d’estive et la nécessaire restauration des terrains en montagne par la plantation d’arbres, pour lutter contre l’érosion et limiter
les inondations en contrebas, a été difficile à atteindre.
D’un point de vue économique, le marché de la viande ovine est resté longtemps limité
à la France, avec une organisation plutôt traditionnelle fonctionnant autour de nombreuses foires locales. Mais à partir de la fin des années 1950, l’ouverture des marchés à l’international a fait s’envoler l’importation d’agneaux de grands pays producteurs tels que l’Irlande, la Grande-Bretagne, l’Argentine, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Les cours de la viande ovine se sont effondrés, impactant l’ensemble de la filière nationale. Peu compétitives, encore basées sur un fonctionnement plutôt traditionnel, les exploitations des garrigues subirent de plein fouet cette crise.
Enfin, le système du pastoralisme ovin sur ce territoire est basé sur le gardiennage des troupeaux, très contraignant en terme de personnel. Le foncier nécessaire au parcours des troupeaux n’est en général pas propriété de l’éleveur. Seuls des terrains communaux sont parfois mis à disposition des éleveurs qui partagent souvent ces espaces avec d’autres usagers (chasseurs, randonneurs, cueilleurs..). Ainsi, le parcage des bêtes avec la pose de clôtures est la plupart du temps impossible. Le gardiennage est donc obligatoire. Or ce type d’activité pose de nombreuses contraintes. Ce travail répétitif, considéré comme ingrat, n’attire plus. Les bergers formés préfèrent se tourner vers des activités saisonnières (garde en estive) ou monter leur propre projet d’élevage dans des contextes plus favorables. Dans bien des cas, il n’y a pas eu de reprise directe d’une exploitation par les enfants.
L’ensemble de ces facteurs expliquent en grande partie le très fort déclin de l’élevage ovin sur le territoire des garrigues et son remplacement par le pâturage bovin, plus facile et moins contraignant. Le cheptel a été divisé par dix entre la fin du XIXe siècle et nos jours. Sur cette période de 120 ans, on peut distinguer une première chute très importante jusqu’à l’entre-deux- guerres, puis une baisse régulière sur la seconde moitié du XXe siècle. Sur le territoire des garrigues, le nombre de brebis est passé de plus de 53 000 en 1955 à près de 15 000 en 2010.
Les races rustiques typiques de cet élevage ovin transhumant sont notamment la Caussenarde des Garrigues, la Raïole ou la Rouge du Roussillon. Elles sont adaptées aux terrains difficiles des garrigues et aux longues marches que nécessite la transhumance. Largement croisées
avec d’autres races telles que les Lacaunes, les Blanches du Massif Central ou les Tarasconnaises, ces races rustiques sont aujourd’hui menacées. Il reste très peu de troupeaux de souche. Une action est menée depuis une vingtaine d’années pour éviter leur disparition au sein d’une association de sauvegarde.

L’élevage caprin
L’élevage caprin est beaucoup plus récent en garrigue que celui de l’ovin. Autrefois, seules quelques chèvres accompagnaient les troupeaux de moutons, le lait étant utilisé pour la consommation personnelle et pour les agneaux orphelins.
C’est essentiellement à partir des années 1970, qu’une grosse vague d’installations a eu lieu dans l’arrière-pays languedocien, concomitante aux mouvements de “retour au pays” des soixante-huitards. Puis le phénomène s’est généralisé à l’ensemble du territoire des garrigues jusqu’au début des années 2000. L’exploitation caprine fromagère est basée sur des marchés locaux, une clientèle importante de proximité. Le niveau de valorisation du lait est importante : transformé en fromage (plus de 2,5 fois le prix du lait vendu en laiterie).
Un atelier fromager nécessite 50 à 70 chèvres pour faire vivre une famille. Si l’élevage en intérieur reste important et nécessaire en raison du besoin pour la production de lait d’une alimentation plus concentrée que celle disponible en garrigue, l’alimentation du troupeau sur parcours (soutenu notamment par le cahier des charges de l’Appellation d’Origine Protégée “Pélardon”) se développe. Bien que cela nécessite un travail de gardiennage important, la garrigue, aujourd’hui très embroussaillée, convient particulièrement au pâturage des caprins. Les principales races
sont l’Alpine et la Chèvre du Rove. La Saanen fortement présente dans bien des élevages tend aujourd’hui à régresser car elle est moins bien adaptée aux contraintes du milieu.
Néanmoins, l’impact territorial et paysager de l’élevage caprin reste modeste. En effet, une exploitation utilise en moyenne 40 à 50 hectares.

L’élevage bovin
Dans les années 1980, plusieurs exploitations ovines des hautes garrigues se reconvertissent en bovin viande. De nouvelles exploitations sont
également créées sur de grands territoires. À cette époque, le contexte économique est favorable à ce type de production avec un marché italien particulièrement porteur et une Politique Agricole Commune aidant les élevages de vaches allaitantes.
Il s’agit essentiellement de vaches de race Aubrac. Plus de la moitié des exploitations ont leur siège dans le Massif Central et descendent leur troupeau en garrigue en hiver. On appelle ce phénomène la transhumance inverse.
Ce type d’élevage nécessite de grands espaces. En garrigue, il faut environ 10 hectares par Unité Gros Bétail 1 soit plus de 1 000 hectares pour un troupeau de 150 vaches Aubrac. Ainsi, de vastes espaces pastoraux délaissés par les troupeaux ovins ont été récupérés et clôturés pour cette nouvelle activité notamment dans le bassin de Londres, le Causse de l’Hortus, les garrigues de Sauve, Quissac, Saint-Hippolyte-du-Fort...
Mais, depuis une dizaine d’années, l’élevage bovin en garrigue a tendance à régresser. Cela peut s’expliquer d’une part par la difficulté à trouver du foncier disponible sur d’aussi grandes surfaces, et d’autre part, la transformation de certaines primes européennes. Certains producteurs, néanmoins, tout en réduisant leur troupeau, se tournent vers des marchés de proximité répondant à une forte demande locale.

L’élevage de loisirs
Centres équestres, manades équines et/ou bovines, ces élevages de loisirs, basés essentiellement sur des prestations commerciales sont initialement présents à proximité des agglomérations et/ou en zones humides littorales. Manquant d’espace ou repoussés par l’urbanisation galopante, ils se sont redéployés en garrigue ces dernières années.
L’élevage de taureaux de Camargue s’est beaucoup développé sur le territoire dans les années 1990. Ayant besoin de terres au sec en hiver, ces élevages essentiellement basés en plaine et dans la basse vallée du Vidourle ont cherché des terres en garrigue. Il s’agit d’une sorte de transhumance hivernale (que l’on retrouve également chez les équins). Ce phénomène d’extension s’est fortement atténué depuis une dizaine d’années probablement du fait d’une saturation des terres disponibles sur le littoral.
Les loisirs équestres ont connu une progression spectaculaire très liée à l’extension des agglomérations, la fonction résidentielle des espaces de garrigue et le développement des usages récréatifs “de nature”.
En ce qui concerne la filière équine présente sur le territoire, on peut distinguer :
- les centres équestres et pensions, occupant en général de petites surfaces à proximité des agglomérations ;
- les éleveurs équins qui ont besoin de beaucoup plus d’espace et que l’on retrouve plus loin dans les hautes garrigues ;
- les particuliers hors structures.
La troisième catégorie concerne des propriétaires de chevaux particuliers non professionnels. Leur nombre s’est fortement accru dans les communes périurbaines à l’instar des centres équestres. Une étude réalisée en 2006 dénombre 466 équidés et 225 propriétaires sur 9 communes autour du Pic Saint-Loup 2. Les espaces utilisés par ces chevaux sont majoritairement des terres en transition entre une vocation agricole et une vocation urbaine souvent contiguës, voire au sein même des centres urbains et des villages. Néanmoins, l’étalement urbain favorise une extension de cet usage de l’espace vers les garrigues avoisinantes.
Il est à noter également la présence d’un haras national à Uzès. Cet établissement avait pour vocation l’entretien de reproducteurs pour la multiplication et l’amélioration de races de chevaux. Ce haras rayonne sur trois régions : Languedoc-Roussillon, Provence-Alpes-Côte-d’Azur et Corse.
L’élevage équin a pris aujourd’hui une place très importante sur le territoire des garrigues.
Si l’on considère qu’il faut 5 fois plus de ressources alimentaires pour un cheval que pour une brebis, la pression pastorale en garrigue par les équins est équivalente voire supérieure à celle des ovins dans les années 1950. Par exemple à Saint-Jean-de-Védas, jusque vers
1970, on comptait 500 à 600 brebis et il y a aujourd’hui près de 250 chevaux. Néanmoins, l’utilisation de l’espace et de la ressource n’est pas la même entre ces espèces et des études sont à mener pour définir quelles pourraient être les préconisations dans un objectif de gestion du couvert végétal en garrigue.
Il est également à noter qu’un phénomène de transhumance des chevaux des garrigues vers les zones de montagne apparaît aujourd’hui et devrait se développer au cours des prochaines années.

Élevage et pastoralisme, réalités d’aujourd’hui et mutations récentes


État des lieux
D’après le Recensement Général Agricole de 2010, le cheptel ovin sur le territoire des garrigues est d’environ 15 000 brebis. Les 130 exploitations sont surtout orientées vers la production d’agneaux pour la viande.
La centaine d’exploitations d’élevage caprin (essentiellement pour le lait), compte au total près de 3 500 chèvres.
Au niveau de l’élevage bovin (races Aubrac et Camargue pour la plupart), le cheptel est de plus de 2 300 vaches réparties sur environ 80 exploitations.
Enfin, la place des équins est très importante, mais beaucoup plus difficile à quantifier et à cartographier (du fait du très grand nombre de propriétaires individuels). D'après les experts, on estime la présence de 7 000 chevaux sur le territoire des garrigues et environ 150 exploitations.

Complémentarité avec les milieux cultivés
Si la relation intime entre l’élevage et la viticulture s’est brisée dans la seconde moitié du XXe siècle, il existe encore une complémentarité entre l’élevage sur parcours et les zones cultivées des plaines et bassins.
Beaucoup d’éleveurs bovins et ovins produisent leur propre fourrage qui sert de complément alimentaire au troupeau principalement en hiver. Ce sont en général d’anciennes surfaces en vigne réutilisées en prairie de fauche. Une production fourragère à part entière se développe également pour répondre à une demande provenant principalement de l’élevage équin et accessoirement caprin. Mais cette production reste marginale, peu concurrentielle par rapport au fourrage de Crau par exemple qui est réputé de meilleure qualité. Le territoire des garrigues produit moins de la moitié du foin consommé.
On observe aussi localement des pâtures sur des chaumes et des friches. Par ailleurs, le retour des pratiques viticoles moins intensives permet de ménager dans les vergers et les vignes des espaces enherbés qui peuvent être pâturés.
Cette complémentarité entre les zones de parcours et les plaines cultivées permet aux élevages de se maintenir en contribuant à l’auto-suffisance alimentaire des troupeaux.
Les éleveurs de garrigue, ceux qu’on appelle les “bergers sans terre”, sont aujourd’hui en voie de disparition, à l’exception de ceux dont le produit est assez rémunérateur pour acheter les compléments alimentaires nécessaires. C’est le cas de certains éleveurs de caprins en transformation fromagère.
En terme d’optimisation de l’utilisation des ressources des garrigues, une complémentarité est également à trouver entre les ruminants (ovins, bovins, caprins) et les équins aujourd’hui en très forte augmentation.

Un nouvel équilibre à trouver face aux changements climatiques
L’augmentation des épisodes de sécheresse est très préjudiciable pour l’élevage ovin des garrigues et entraîne une baisse importante de la ressource alimentaire du troupeau. Pour l’instant, seules des solutions ponctuelles ont été mises en œuvre : achat de fourrage et de paille, réduction du cheptel (vente d’une partie du troupeau), recherche de foncier supplémentaire.
À l’avenir, l’organisation des parcours et la complémentarité avec les zones cultivées doivent être pensées pour répondre à ce nouveau contexte
de multiplication des aléas climatiques.

Nouvelles formes de mise en valeur des territoires pastoraux : pâturage en parc, brûlage pastoral, sylvo-pastoralisme
Face aux contraintes importantes générées par l’obligation de gardiennage sur les parcours, le pâturage en parc apporte de nombreux
avantages. Néanmoins, il nécessite une maîtrise foncière que peu d’éleveurs possèdent en garrigue. Sur les terres communales, le partage de l’espace entre plusieurs activités entrave des possibilités de mise en place de clôtures, même temporaires.
Afin d’étendre les milieux favorables au pastoralisme et ainsi d’optimiser la production de ressource alimentaire sur les parcours, d’importants travaux de réouverture des milieux sont nécessaires. L’usage du feu comme outil de gestion des pâturages a été abandonné au cours du XXe siècle. Les savoir-faire se sont peu à peu perdus. Des chantiers de brûlage dirigé, accompagnés et sécurisés, sont relancés aujourd’hui (voir page 122). Des formations pour les éleveurs sont mises en place dans l’Hérault notamment. Des chantiers à vocation pastorale ont été réalisés sur le Causse d’Aumelas ou dans les garrigues de Lussan par exemple. L’utilisation du feu maîtrisé conduit en tache sur des végétations non consommées et envahissantes est un outil pertinent en complément du pâturage. Reste à convaincre les résidents que ces méthodes constituent la meilleure assurance contre les feux accidentels.
Les exemples de sylvo-pastoralisme, associant une production de bois au pâturage sont rares sur le territoire des garrigues. Quelques expérimentations ont été réalisées sur le domaine départemental de Roussières (Viols-en-Laval) et dans les hautes garrigues gardoises à proximité du Mont Bouquet. Le sylvo-pastoralisme implique un partenariat bien construit entre forestiers et éleveurs. Le développement de la production de boisénergie offre dans ce domaine de nouvelles opportunités.
Mais ces nouvelles formes de mise en valeur des territoires pastoraux nécessitent de trouver des terrains d’entente avec les autres usagers et gestionnaires de l’espace : promeneurs, riverains, chasseurs, forestiers, services de la sécurité civile, etc.

Garrigues et estives : interdépendance des territoires
Dans le cadre de l’élevage ovin transhumant, l’aménagement et la gestion des zones d’estive situées essentiellement sur le Mont Aigoual, le Mont Lozère et les grands Causses, constituent un enjeu majeur pour le maintien du pastoralisme des garrigues.
Une bonne gestion de ces espaces permet d’assurer un pâturage de bonne qualité pendant cette période et une durée d’estive assez longue évitant de redescendre en garrigue alors que la végétation y est encore totalement sèche.
Des groupements pastoraux aujourd'hui mis en place, permettent de rassembler et de mutualiser les moyens nécessaires pour une gestion collective (gardiennage, gestion des baux...). Le Parc National des Cévennes a joué un rôle important, notamment au niveau de l’accompagnement des éleveurs et de l’aménagement de ces estives : ouverture du milieu, gestion des zones de pacage, abris...
Une relation de partenariat entre le territoire des Cévennes et le territoire des garrigues, tous deux pouvant trouver un intérêt mutuel (au niveau de la gestion des milieux et des paysages) à accompagner l’élevage ovin transhumant, favoriserait le maintien, voire le redéploiement de cette activité.

De nouveaux modes de commercialisation
Face aux difficultés économiques que connaissent les éleveurs ovins sur le territoire des garrigues, de nouvelles pistes sont aujourd’hui explorées.
La proximité des centres urbains peut constituer un atout non négligeable pour l’élevage des garrigues et le développement de circuits courts. Les agglomérations de Nîmes et de Montpellier ainsi que leurs couronnes périurbaines rassemblent près de un million d’habitants, consommateurs potentiels. L’élevage caprin s’est déjà presque entièrement orienté vers ces circuits courts, pour plus de 80% des exploitations du territoire.
Les initiatives individuelles de vente directe existent également chez les éleveurs ovins, notamment pour la fête musulmane de l’Aïd-el-Kébir.
Néanmoins, cette pratique reste très consommatrice en main-d'œuvre et en investissements. Afin de l’optimiser et d’en faire un véritable levier pour l’élevage ovin des garrigues, il y aurait intérêt à organiser la filière en ce sens : mutualiser les investissements, le transport des animaux à l’abattoir pour la découpe et le conditionnement, les espaces de vente... Un frein à cette dynamique réside également dans la crainte de la part des groupements de producteurs que le développement de ces pratiques individuelles fragilise d’autant plus une filière déjà en difficulté.
Il est également nécessaire de maintenir les abattoirs de proximité que sont Alès, Le Vigan, Pézenas. Leur rôle est indispensable au maintien de l’élevage ovin en garrigue et au développement des circuits courts.
Enfin, si une labellisation type Appellation d’Origine Protégée, est parfois évoquée autour de l’agneau des garrigues, les démarches n’ont
pas été entreprises et l’argumentation reste à construire.

Foncier, urbanisation et élevage
La problématique du foncier constitue un enjeu majeur pour l’élevage. Elle se situe à plusieurs niveaux.
L’élevage ovin basé sur le parcours implique l’utilisation de terres appartenant à de nombreux propriétaires différents ou des espaces communaux où se pratiquent différents usages. Ce contexte peut parfois être très contraignant aujourd’hui, les droits de passage n’étant pas toujours aisés à obtenir, la cohabitation avec d’autres usagers parfois compliquée... La maîtrise du foncier est de plus en plus recherchée, car elle est susceptible de faciliter des nouvelles pratiques de pâturage telles que le parcage des bêtes ainsi que la production de ressources alimentaires supplémentaires
(fourragères notamment).
L’étalement urbain a souvent été accompagné d’un mitage de l’espace, complexifiant les parcours des troupeaux. Depuis quelques années, les documents d’urbanisme favorisent de plus en plus la densification des centres urbains afin de pallier ce phénomène.
Un problème qui se pose souvent est celui de l’emplacement de la bergerie. Lorsqu’elle est située en zone urbanisée, l’accès aux espaces de pâturage est de plus en plus difficile pour le troupeau qui doit traverser des lotissements et divers axes routiers. De plus, l’acceptation par le voisinage est souvent délicate (sont évoqués la prolifération
de mouches, le bruit...). Inversement lorsqu’elle se trouve en zone naturelle, il est bien souvent impossible d’un point de vue réglementaire de
construire l’habitation de l’éleveur à proximité, ce qui est indispensable au vu des conditions de travail relatives à cette activité. De plus le classement d’espaces pastoraux en zones naturelles limite ou interdit toute possibilité de créer de nouveaux bâtiments pour accueillir les troupeaux.
Cette problématique est de plus en plus prise en compte par les conseils municipaux sur le territoire des garrigues.

Le rôle du pastoralisme dans la gestion des milieux pour la biodiversité et la prévention des feux de forêt
De nombreuses études montrent l’intérêt du pastoralisme dans le maintien et la gestion des milieux ouverts. Ces derniers sont particulièrement
intéressants pour la protection de la biodiversité caractéristique des garrigues.
Différents sites Natura 2000 du territoire promeuvent le maintien, voire le redéploiement du pastoralisme ovin, notamment dans leurs documents d’objectifs. C’est le cas sur les sites Natura 2000 du Gardon et ses gorges, des Garrigues de Lussan, du Pic Saint-Loup, des gorges
de l’Hérault, de la Montagne de la Mourre et du Causse d’Aumelas.
Ainsi des mesures dites “agroenvironnementales” sont mises en place. Sur la base du volontariat, les éleveurs qui répondent par leur mode d’élevage aux objectifs environnementaux reçoivent en contrepartie un soutien financier de l’Europe (exemple des garrigues de Lussan et du Pic Saint-Loup).
De même, l’entretien de milieux ouverts par le pastoralisme est particulièrement intéressant dans la prévention des incendies permettant
d’entretenir des zones de coupure. Ces actions de prévention des feux nécessitent une gestion de la végétation combustible, le débroussaillement
et le maintien à l’état débroussaillé. Pour cela, le pastoralisme est souvent vu comme une opportunité. Ainsi de nombreux contrats sont établis en vue d’encourager les éleveurs à remplir cette fonction (comme par exemple dans les garrigues du Mas Dieu).

Avenir du pastoralisme en garrigue


Au-delà de la recherche d’une nouvelle dynamique économique visant à une meilleure valorisation des produits, le maintien de l’activité passe aussi par le nécessaire soutien de la collectivité qui, tout en reconnaissant le caractère difficile des garrigues, doit rémunérer le service d’entretien de l’espace, service rendu par cet élevage.
La “conservation” de l’activité pastorale est un enjeu pour le maintien des paysages, des habitats naturels * et pour éviter la fermeture des milieux propices aux grands incendies qui menacent particulièrement les populations dans cette zone.




Cartes et illustrations

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Transhumance

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Évolution nbre de brebis 1955-2010

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AOP Pélardon

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Nombre d'exploitations

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Cheptel bovin

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Cheptel caprin


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image Cheptel_ovin.jpg
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Cheptel ovin




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