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Microtoponymie de Brissac

Introduction


L'onomastique, étude des noms propres, comporte diverses spécialisations :

- l'anthroponymie (étude des noms de personnes),
- l'hydronymie (étude des noms de cours d'eau),
- l'odonymie (étude des noms de rues et chemins),
- l'oronymie (étude des noms de reliefs),
- la toponymie (étude des noms de lieux). C'est précisément la microtoponymie, étude des noms de lieux de superficie restreinte, qui est l'objet de mes recherches.

Mon étude de la microtoponymie de Brissac découle de recherches effectuées de 1989 à 1997, portant sur 17 communes du département de l'Hérault.

Brissac appartient à la zone 1, située au nord du département et constituée de 4 communes (comme pour les zones 2,3,4) de superficies fort divergentes.

Brissac est la plus vaste des communes constituant mon domaine d'étude, couvrant 4413 hectares. Les autres communes sélectionnées pour cette zone 1 étant Cazilhac (1169 ha), Ganges (716 ha), et Agonès (416 ha), car je pressentais que la superficie aurait un impact sur le patrimoine toponymique des usagers, et sur la sélection des noms de lieux dans les documents administratifs.
Ma démarche : j'ai consacré les cinq premières années de mes recherches (1989-1994) à l'exploitation des documents, et effectué le relevé systématique (plans, états de sections, matrices cadastrales) des Cadastres napoléoniens, révisés et remaniés (quand ces derniers existaient). Les Cadastres sont riches d'occurrences toponymiques, mais n'offrent pas de représentation topographique de l'espace couvert. Aussi ai-je procédé au relevé manuscrit des plans cadastraux sur des feuilles de papier cristal, superposées aux cartes de l'IGN (agrandies de 140 à 400%).

Pour Brissac, je n'ai pas à ce jour traité le compoix de 1520, mon corpus microtoponymique comptant déjà 3000 occurrences suite à l'exploitation des compoix d'Agonès, Neffiès, Saint-Clément-de-Rivière, et suite aux enquêtes effectuées sur le terrain (1994-1996), qui ont enrichi ce corpus de dénominations orales, employées par les témoins, parfois non attestées dans les documents administratifs. J'ai cependant relevé dans le compoix de 1520 de Brissac les attestations patronymiques, afin de déterminer si certaines dénominations des lieux pouvaient découler de noms de personnes ayant possédé des terres sur la commune.

Mon but était :

- d'évaluer une éventuelle concurrence dénominative entre emploi administratif et dénomination par les autochtones,
- d'étudier les disparitions, maintiens, renouvellements, ce qui m'a permis de considérer que la sélection dénominative est tributaire d'un phénomène de mode,
- de montrer que l'étude des documents et la consultation des dictionnaires ne sauraient suffire pour effectuer une recherche toponymique : la rencontre avec les témoins, et les investigations sur le terrain s'avèrent d'une absolue nécessité. Et feu Monsieur Jacques Chaurand m'a fort flattée lorsqu'il m'a nommée « Madame adéquation référentielle ». C'est en effet mon « cheval de bataille ». Quant au VTT, il s'est avéré être un outil toponymique fort précieux.

… et conclusion


Mes recherches m'ont permis de conclure, entre autres, que :

- comme je l'évoquais ci-dessus, les constructions syntaxiques et la sélection lexicale, en processus dénominatif, subissent une évolution,
- les termes du lexique peuvent recouvrir sur le terrain diverses réalités, une Combe n'offrant pas le même dénivelé à Brissac et... à Vic-la Gardiole,
- que le corpus microtoponymique peut modifier, pour les usagers, le sens d'un terme du lexique (des Faïsses à Lansargues ne pouvant pas être des « traversiers »),
- que les usagers peuvent conserver en emploi oral des noms de parcelles qui n'ont pas été pérennisés par le Cadastre, mais qui étaient attestés antérieurement par les Compoix : en conséquence, la tradition orale rend vivaces certaines dénominations.
- Et enfin que, contrairement à ce que soutiennent certains linguistes, le nom de lieu n'est pas « vide de sens », mais bien au contraire. L'emploi d'un nom de lieu dans une phrase génère dans l'esprit du locuteur et de l'interlocuteur (sinon, aucunement besoin de nommer !) la représentation d'un lieu bien particulier, de toutes ses caractéristiques environnantes, mais aussi sa relation à l'usager. Pour l'un, dire « Je vais En Tel Lieu » peut signifier qu'il va tailler sa vigne, ou vendanger, selon la saison, et pour un autre signifiera qu'il y conduit son troupeau, ou va travailler dans l'un de ses champs.

Nommer un lieu,
c'est lui donner vie.

Celle de toutes ses spécificités
descriptives, référentielles,
discursives, prédicatives,
affectives,
...


Lors de mes enquêtes brissagoles, d'une durée de 4 h 30 à 5 h, l'un de mes témoins s'est levé à cinq ou six reprises, et – tout en réajustant la ceinture de son pantalon et ses bretelles - a répété : « Mais qu'est-ce que vous cherchez ? C'est comme ça ! Les lieux ont des noms, et on emploie ces noms pour reconnaître les lieux ! », prouvant ainsi la simplicité du processus pour ceux qui les emploient : un nom de lieu sert... à nommer un lieu.
Quant à ce que je « cherchais », son précieux témoignage m'a permis en partie de le trouver : la preuve que le nom de lieu appartient à une catégorie de noms qui lui est fort propre.

Je tiens à remercier pour leur aimable collaboration : Monsieur feu Raymond Marcou, Monsieur feu Serre Henri et son épouse, M. Vairon Maurice et son épouse. Je remercie aussi Mme Liégeard Marie-Claire, qui m'a contactée récemment afin de solliciter cette présentation portant sur la microtoponymie de Brissac, et qui m'a incitée à renouer avec cette science qu'est la microtoponymie et qui me passionne.


Septembre 2014
Christine Marichy


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