La cohabitation entre différentes façons de voir le territoire



Auteur : Manuel Ibanez, Gérard Souche
Date : novembre 2013

Entre des usages de loisirs récents et des activités plus anciennes, il peut y avoir parfois un fossé dans la façon de regarder et de vivre l'espace. L'ancrage très fort au territoire dans le monde de la chasse par exemple se heurte parfois à des représentations dites plus “citadines” d'autres usagers. Mais les possibilités de dialogue constructif se multiplient.

La chasse, un milieu structuré mais qui a profondément changé

La chasse a pendant longtemps constitué la principale activité de loisir en garrigue. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, de nombreux autres usages récréatifs (randonnées, vtt...) étant pratiqués sur les mêmes espaces. Néanmoins, contrairement aux autres pratiques, la chasse constitue un milieu très structuré. Tous les pratiquants sont regroupés au sein d’associations elles-mêmes fédérées. Il existe un droit de chasse et une police de la chasse, l’activité se pratique sur des territoires délimités avec un engagement financier non négligeable.
La chasse a profondément changé durant les cinquante dernières années. L’évolution de nos paysages, la fermeture des milieux, dues à un changement des pratiques culturales et à la disparition de l’activité pastorale ont entraîné l’effondrement des populations de petits gibiers (notamment lapins, perdrix), et a contrario une forte augmentation des populations de grand gibier, notamment le sanglier. De tout ceci découle une évolution vers la chasse au grand gibier et le fort développement des battues aux sangliers. La pratique a également évolué d’une activité de “cueillette” vers un outil de gestion des populations animales. Des plans de gestion sont mis en place : plans de chasse sur le grand gibier ou la perdrix, carnets de prélèvement, schémas cynégétiques départementaux...

L'importance de l'ancrage au territoire

Il est resté dans le monde des chasseurs une notion de territorialité très forte, un attachement profond et viscéral, parfois sur plusieurs générations, une appropriation avec un lien passionnel au territoire. Même si les chasseurs ne sont pas toujours propriétaires, ils connaissent la plupart de ces derniers et tiennent pour eux un rôle de sentinelles. Cet ancrage à un espace, appuyé par un investissement financier notable, se retrouve peu dans les autres usages de loisirs.
Le partage de l’espace avec les nouvelles activités ne se fait néanmoins pas toujours sans heurts. Les relations avec les nouveaux propriétaires changent. Ces derniers, ayant souvent acquis leurs terrains beaucoup plus cher qu’auparavant, sont beaucoup plus intransigeants sur la pratique de la chasse chez eux. Des conflits apparaissent, plus ou moins passionnels, une opposition entre mode de vie “rural” et approche “citadine”.

Les questions de la gestion du sanglier, de la sécurité, des coûts

L’explosion des populations de sangliers génère des dégâts de plus en plus importants sur les cultures ; des mesures de protection doivent souvent être mises en place. La pratique de la chasse ne pouvant endiguer complètement l’extension du sanglier, ceci entraîne des tensions entre le monde de la chasse et le monde agricole. Les dégâts se chiffrent en plusieurs dizaines de milliers d’euros. Ce sont les chasseurs qui les financent sur leurs propres deniers. Pour exemple, cela représente à l’échelle du département de l’Hérault environ 200 000 € par an.
La question de la sécurité est également souvent posée. Le port d’arme, la peur de l’accident, sont régulièrement évoqués par les promeneurs. Cela concerne notamment la pratique de la battue aux sangliers. Des efforts importants en termes de sécurité ont été réalisés : formation, communication, visibilité, obligation de tir plongeant, balisage des battues, utilisation des moyens de communication (téléphones portables...) pour prévenir de la présence d’autres usagers... Sur certains sites très fréquentés, la temporalité de la chasse est organisée afin d’en éviter la pratique certaines après-midi.
La problématique économique est également importante. Le chasseur paye pour pratiquer sur un espace défini. Cet argent sert en grande partie à la gestion du territoire (réouverture du milieu, jachères fleuries, repeuplement de petit gibier) ainsi que pour rembourser les dégâts faits aux cultures par le grand gibier. Cette forte implication financière peut être à l’origine de tensions avec d’autres usagers considérés comme simples “consommateurs”. Cette question de prix d’accès au territoire s’accentue avec le développement des chasses privées, manne financière intéressante pour de gros propriétaires.

Des dynamiques de dialogue avec les autres usagers

Afin de répondre à ces enjeux de partage de l’espace entre plusieurs activités de loisirs, les fédérations départementales des chasseurs développent de nombreux outils. Des liens sont tissés avec les autres fédérations d’usagers de la nature. Par exemple, avec la Fédération Française de Randonnée Pédestre, des plaquettes communes sont éditées, des sorties de terrain d’interconnaissance sont organisées, etc. Des enquêtes sur les loisirs motorisés sont mises en place afin d’évaluer la réalité des conflits d’usage.
La problématique de la gestion des populations animales et notamment des sangliers reste quant à elle difficile à gérer et à organiser dans le temps.
La pression avec le monde agricole et les risques de collision qui augmentent d’une part et le vieillissement de la population de chasseurs d’autre part, posent des questions sur l’avenir.



Cartes et illustrations

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Chasseur


































































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