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Le MOYEN-ÂGE.

Discussion sur ce chapitre


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 Table des matières

3ème période : de l'an mil (environ) à la peste noire (1348) et au début des "guerres anglaises" (guerres de "Cent ans"), (1000 - 1350)

Le XIe siècle : l' extension de l'ager.

L'essor économique et démographique entraîne une extension du foncier agricole
L'ager, au Xe, voire jusqu'au milieu du XIe siècles, (où la pression démographique n'est pas encore très forte) semble encore assez peu densément cultivé: de nombreuses parcelles sont en friches, « absae » (désertées, sans propriétaire), héritage de la dépopulation de la période mérovingienne et du très faible croît de la période carolingienne. Mais il peut s'agir, aussi, du mode de culture: ainsi après l'arrachage d'une vigne, on peut laisser reposer la terre pendant plusieurs années. La « pièce de terre » devient ainsi « erm ».(Bourin-Derruau,1987,tome 1, p.94).

Dans ce contexte de faibles populations, de vastes espaces incultes vacants, de pouvoirs régaliens et vicomtaux lointains, il semble qu'une partie des -faibles- défrichements d'origine (au XIe siècle) aient été le fait de « défrichements spontanés paysans », à la mesure de leurs moyens, c'est à dire sur des parcelles de superficie limitée.
Ces défrichements se seraient opérés dans les marges immédiates de l'ager, c'est à dire sur les premières pentes des garrigues (des reliefs), c'est à dire sur des sols moins fertiles que ceux de l'ager.
Certains de ces premiers défrichements auraient été « juridiquement régularisés », entre autres sous la forme « d' apendaries » et de « borderies », termes qui suscitent encore bien des débats entre scientifiques. Il pourrait s'agir de «demi-manses, dans un certain nombre de cas moins taxées- proportionnellement- que les manses...les débats restent ouverts (Tisset, 1933, réédition 1992, p.204; Bourin-Derruau, 1987,tome 1, p.95; Durand, 2003).

Maintien des forêts sur les reliefs : les forêts royales au 11e siècle.

La faible amplitude des premiers défrichements du XIe siècle fait que la plupart des forêts (et du saltus) se sont maintenues.
Dans les forêts royales le pouvoir s'est même « rapproché du terrain ». Ce pouvoir était d'abord exercé par des des prévôts, aux attributions très générales extra-forestières, assistés de « gruyers » et « verdiers », eux même assistés de « sergents de garde ».
Il passe ensuite , à un niveau plus rapproché aux sénéchaux et baillis. (J.L Roque et alli, 2011, p.28).

La structure foncière au XIe siècle: alleu, tenure, manse.


Du fait de la réorganisation de l'habitat, de plus en plus centré sur les nouveaux « castra »-villages fortifiés et l'affirmation du pouvoir seigneurial , l'organisation en « villae » dispersées, se dissout.
Quand, dans la période intermédiaire, il se crée encore des domaines aux marges de l'ager et des garrigues, tel le domaine de Font-Mars, à l'extrémité sud du causse d' Aumelas (au nord de Mèze), on emploie alors le terme de « manse » et non plus de « villa » (Bourin-Derruau,1987, tome 1, p.61).

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Extrait de carte IGN 1/25.000e, Pézenas, 2644 Est, édition 1981.
Le domaine de Font Mars, créé à l'extrémité sud du causse d' Aumelas, en limite d' ager, au XIe siècle.


Il s'agit en fait, d'une unité d'exploitation capable de faire vivre une famille et de dégager des surplus agricoles, en nature , ou, petit à petit en espèces, pour acquitter les diverses redevances.
Concrètement, le manse est constitué de 4 à 7 parcelles (en moyenne) vouées à la céréaliculture, accessoirement à la vigne, d'un jardin, d 'un enclos avec le « casal » (habitation paysanne) et les bâtiments d'exploitation. Vers 1140, un manse peut représenter environ 50 hectares (Bourin-Derruau, 1987, tome 1,p.114). S'ajoutent à ces parcelles cultivées, bien délimitées, en « garrigues » (reliefs) des espaces incultes, utilisées pour le pâturage en parcours, et le bois nécessaire.

Le manse est confié, par contrat, oral, plus rarement écrit, en « tenure » à un tenancier (et sa famille) qui l'exploite. Les contrats prévoient diverses modalités de partage des fruits de l'exploitation, à moitié ou à quart, et d'acquittement des redevances, dont le « cens ».
le tenancier a donc l'usufruit, transférable à ses héritiers directs, mais pas la possession de la terre. (Bourin-Derruau, 1987, tome 1,p.111-120).

C'est la partie du manse ou l'un des manses (un seigneur pouvant en posséder plusieurs) que se « réserve » le seigneur, en exploitation directe (nous dirions, aujourd'hui, en faire-valoir direct). Dans ce cas, en principe, la terre est exploitée par des « travailleurs » (« laboratores »)- et non plus par des « tenanciers ». Le contrat qui lie le possédant et le travailleur est sujet de débats scientifiques: s'agit-il d'une simple embauche de main d' œuvre ou d'un fermage ? S'agit-il d'un fermage global sur le réserve (ce qui l'apparenterait, en fait, à une tenure), ou d'un « fermage parcellaire » ?

Hors même du contexte de « l'unité globale d'exploitation » que constitue le manse en tenure, un possédant peut confier en tenure telle(s) ou telles(s) parcelle(s). On parlera alors de « tenancier parcellaire ».
Les abbayes, en particulier, confient de vastes parcelles en tenures . Ceci suppose l'existence de tenanciers suffisamment équipés en matériel aratoire pour exploiter ces terres.

Il s'agit de terres « libres » de toutes redevances. L'alleu semble avoir été important, voire dominant, dans les périodes précédentes, mérovingienne et carolingienne, en particulier dans l'ager restreint de ces époques, c'est à dire, surtout, dans les « bas-pays » et les bassins de garrigues les plus favorables.
C'est le cas, en 1015, d'un chanoine de Nîmes, Pons, tel que l'énumère son testament. Outre un mas qu'il possède à Nîmes, habité certainement par un tenancier, avec une vigne et des pâturages capables de nourrir 1 cheval, 3 juments et 1 poulain, il possède, par ailleurs, un alleu à Polverières (Martel, 2003, p.112-113). Dans ce cas l'alleu se rattache à un niveau de patrimoine foncier assez élevé.
Il est à noter que certaines terres allodiales pouvaient être la propriété en propre de seigneurs, c'est à dire hors lien de fiefs et vassalité.

Évolutions du foncier et de ses charges du IXe-Xe siècles au XIe-XIIIe siècles: le tournant de 1030-1060: vers la féodalisation et l'alourdissement de la rente foncière.

Que ce soit en alleux, ou en manses, jusqu'au tournant du XIe siècle ( la « crise » de 1030-1060) la moyenne propriété est dominante. Dans les manses ou tenures parcellaires les redevances semblent modérées (Bourin-Derruau, 1987, tome 1, p.120).

Par contre, la crise de 1030-1060 avec le développement d'une « aristocratie locale », « militarisée » dans ses « castra », de la féodalisation (liens personnels d'homme à homme), qui s'est appropriée les droits de « ban » (justice) va accroître, pour la paysannerie, les liens de dépendance et les redevances, dont certaines nouvelles, pesant tant sur le foncier, que le bâti, et les personnes.
L'alleu «paysan » disparaît ainsi petit à petit au profit des tenures et censives . A partir de 1150 il ne subsiste « que dans les milieux seigneuriaux et chevaleresques et aux mains de quelques personnages enrichis » (Bourin-Derruau, 1987, tome 1,p.228-229).
Significatif de ce poids de l'aristocratie militaire est, à Nîmes, en 1144, l'achat, par 4 chevaliers des Arènes et consuls, au vicomte Bernard Aton V des garrigues au nord de la ville pour 1000 sous melgoriens (Wolf,1985, p.239).

La féodalisation fait que, peu à peu, les paysans (« pagenses »), jusque là libres, entrent en dépendance qui d'une abbaye, d'un évêque, d'un châtelain. Tenures et manses sont cédées avec leurs « homines ». Droits de mutation et d'entrage font leur apparition, de même que les conditions financières de « déguerpissement » ( = quitter une tenure) pour les tenanciers (Bourin-Derruau, 1987, tome 1, p.196).

Le cens (redevance fixe), la tasque (redevance proportionnelle), les corvées, globalement modérées, étaient, essentiellement « vicariales » (dues au vicomte et comte), sans doute pour l'usage des terres communes. Ces charges vont être détournées ( les « exactions »)- et alourdies - par nouveaux seigneurs châtelains ou banaux, laïcs, ou ecclésiastiques. Ainsi la règle de la redevance proportionnelle (la tasque) devient celle du « quart » ou « champart » (Helas, 1993, p.149).

Des charges nouvelles apparaissent telle dans certains cas, l'albergue, pesant sur des tenures paysannes ou des manses: l'obligation de fournir gîte et couvert aux agents seigneuriaux. Cependant, plus tard, au XIIIe siècle, elle a disparu des tenures pour ne plus concerner que certains manses, exemptées de toutes autres charges: il s'agit alors, en fait, d'un fief noble, d'un lien militaire de vassalité. (Bourin-Derruau, 1987, tome 1, p.129-131).

Les corvées s'alourdissent en « boayries  » (labours par boeufs), « asenayries » (transport par âne), « manoeuvres » (comme le ramassage de sarments).

Apparaissent « l'acapt » ou droit d'entrage et la « lauzime », droit de céder son manse et « enfin, une taille en argent » (Bourin-Deruau, 1987, p.203, 236-237).

La perception des redevances peut être concédée ou affermée au « tarif » d'un quart pour les redevances domaniales, d'un tiers pour les redevances vicariales.
Les redevances peuvent être commutées en nature ou en argent. Elles peuvent être fusionnées- et simplifiées-, surtout dans le cas de l'émiettement en apenderies et borderies.

Du fait du croît démographique, plus net à partir du XIIe siècle, des successions et mutations, des réorganisations de terroirs, le manse, du moins en plaines et bassins jouxtant les garrigues (les reliefs), ne peut plus fonctionner en une unité autonome pour une seule famille.

Il est de plus en plus fréquemment démembré en « apenderies » et « borderies » - avec les redevances afférentes - quitte à induire de nouvelles recompositions sous forme de « masades » - avec les redevances afférentes- incluant des parcelles, jusque là indépendantes des anciens manses, dont des parcelles précédemment défrichées sur les pentes ou reliefs.

Il s'agit, en fait, d'une évolution , au fil du croît démographique et des successions, vers l'éclatement du manse (Helas,1993, p.151). Les redevances ne pèsent plus sur l'ensemble tenure-manse, mais sur chaque parcelle, chaque bâtiment. Il se crée un véritable marché foncier, plus souple, plus individualisé, sous forme tenures parcellaires, corrélatif de l'essor de l'économie monétaire.

La parcelle devient ainsi la base du recouvrement de l'impôt et une valeur monétaire en soi. Il est alors important de bien chiffrer sa surface. C'est le travail des arpenteurs. Il est aussi nécessaire de contrôler sa surface, surtout si elle s'est accrue par empiètements et donc serait sous imposée. Cela donne lieu, dans certains cas , à des opérations de bornage (Mousnier, 2004/2).

Dans ce contexte de morcellement, parfois « à l'extrême », risquant de réduire les redevances à peu de chose, les actes prévoient que les redevances ne seront plus identiques à l'origine, c'est à dire proportionnelles à chaque nouvelle tenure-masade, ou tenure-parcellaire, mais, du moins pour certaines d'entre elles, légèrement accrues pour chaque nouvelle masade.

Par ailleurs le marché foncier des tenures est devenu plus actif et s'exprime , pour partie, en valeur monétaires. Ceci reflète la rareté croissante des terres, ce qui en augmente le prix, donc les revenus seigneuriaux. En effet les seigneurs ont gardé leur « dominium » (leurs « droits éminents » sur ces terres), en particulier les droits de mutation (acapte, lauzime) particulièrement élevés (Viadier, 2006, p.13), souvent plus rémunérateurs que le cens lui même.

Corrélativement à ces évolutions et au regroupement de l'habitat au « castra », le village fortifié-centre, les redevances sont distinguées entre chaque élément -dispersé- de l'exploitation: les terres, les bâtiments d'exploitation, la maison au village (la « domus ») (Bourin-Deruau, 1987, p.224-225: « l'éclatement du manse »).
Ce morcellement se répercute également sur les parcelles, qui peuvent être partagées. Ce serait , par exemple, la cause de l'apparition de parcelles en lanières ( rectangles allongés) , dont certaines ne portent que 3 rangées de ceps. (Bourin-Deruau, 1987, p.200-201).

12e siècle :diminution de la taille des parcelles, changement de morphologie, et intensification culturale.

Peu à peu, du fait du croît démographique, plus de parcelles sont mises en culture, et de manière plus intensive.
Corrélativement, le croît démographique et les partages successoraux se traduisent par une diminution progressive de la taille des parcelles.
Dans le Bitterrois et le Narbonnais, la taille – moyenne- des parcelles a régressé de 4,85 modiées (19,4 hectares) dans la période 850-900 à 0,8 modiées (environ 3,2 hectares, nonobstant une relative modification de la valeur de la modiée) dans la période 1050-1100 (Bourin-Derruau, 1987, tome 1, p.96).

En Bitterrois et Agadès Alors que dans la période précédente, de de 850 à 950 environ, la forme dominante des vastes parcelles est le rectangle, accessoirement le trapèze, dans la période transitoire suivante, de 950 à 1080 environ, la forme des parcelles, plus petites, se diversifie: outre rectangles et trapèzes, apparaissent des rectangles très allongés,en lanières, des carrés, des trapèzes à côtés non parallèles, reflétant, peut-être, également des adaptations à des situations de relief et de sols plus variées (Bourin-Derruau, 1987, tome 1, p.58 et 59).

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En pays nîmois et Uzège, on passe également, du Xe au XIe siècle, globalement, de formes régulières, massives, ici sous forme de carrés et de trapèzes à côtés parallèles, à des formes plus réduites et irrégulières (Durand, 2003, p.157-165).


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Jusqu'au Xe siècle (environ), voire XIe siècle, l'organisation du terroir est encore, essentiellement, celle héritée de l'antiquité romaine, c'est à dire la centuriation, orthonormée, par carrés de 717 mètres x 717 m (environ). Dans ce cadres se répartissaient, se « dispersaient », les « villae », véritables petits hameaux.

A partir du XIe siècle la création – progressive - des villages fortifiés (les « castra » et « l'incastellmento »), regroupe l 'habitat en un « centre ».
Dès 986 Lavérune est qualifié de castrum. En 1025 Pignan est un castrum, puis, en 1114, un castel. En 1062 Cournonterral est un castellum, puis en 1112 un castrum. De même Cournonsec en 1063 et 1099. Suivent les castri de Fabrègues en 1124, Murviel en 1149, Saussan 1169, et – plus tardifs- les castri de Terral et Védas en 1288 (J. Segondy , L.Secondy, 1999, p.46).

Parfois même, dans le cas d'un ancien village préexistant, il s'agit d'un véritable déménagement. Le village de Saint André d'Aubeterre, en terres basses est transféré, en 1200, à Teyran au sommet du plateau et de la nouvelle forteresse (Bracq, 2005, p.9 ; Marie-Orgeval,2007, p.11-12).

Il faut alors repenser l'organisation du terroir avec des voies de circulation « en étoile » à partir de ce nouveau centre. Un certain nombre de parcelles, précédemment carrées ou rectangulaires, deviennent triangulaires ou trapézoïdales (Durand, 2003).

Certes la transformation n'est pas absolue, radicale: bien souvent la nouvelle trame se superpose à l'ancienne, ou, encore, la nouvelle s'impose d'autant plus à proximité du nouveau village, dans la plaine, dans les bassins intra-garrigues, et d'autant moins à distance dans les soubergues. Et bien évidemment, les reliefs ont pu faire obstacle à ces trames, anciennes ou nouvelles.

La diminution de la taille des parcelles pousse, par là même, à l'intensification des méthodes de culture (Bourin-Derruau,1987, tomev 1, p.95-96).

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(Source: Bourin-Derruau,1987,tome 1,p.44)

En particulier, on constate, au travers des contrats de complant et des cartulaires un assez net développement de la vigne (Bourin-Derruau,1987,tome 1, p.96-101) mais également des « ortales», « ferragines », et « condamines ».

Les décomptes de vignes échangées (achats/ventes) , mentionnant les confronts avec d'autres vignes existantes (c'est à dire existence de vignobles en « terroirs  mono-culturaux »), et la comparaison avec les échanges de champs font apparaître, entre le Xe et le XIIe siècle une nette augmentation du nombre de vignes et de leur proportion par rapport aux champs.
Une autre source va dans ce sens: les contrats de complant, portant sur des replantations ou de nouvelles vignes, « plantiers » ou « mailleuls » (de moins de 4 ou 5 ans) sont en augmentation numérique.

Si le phénomène est bien marqué sous formes de vignobles en zones péri-urbaines (Béziers), atteignant jusqu'à 40 % des terroirs cultivés (Le Roy Ladurie, 1969, p.19), il se manifeste aussi, certes de façon moindre - et différente, en parcelles de vigne isolées, non confrontées de vignes, c'est à dire hors vignobles, dans l'arrière pays, comme dans les possessions de l'abbaye d'Aniane.

Certes la majorité des vignes sont localisées sur les fertiles terres bords de rivières,mais certaines sont créées sur les pentes des « pechs  » isolés dans les plaines, voire sur les bords de l'ager, sur les premières pentes des reliefs de garrigues.

Cette extension de la vigne serait à mettre en relation avec plusieurs éléments :
Pour la région nîmoise le grand débouché est la papauté d'Avignon, du moins jusqu'à son départ en 1403. Un inventaire d'un cellier nîmois comptabilise 97 foudres de 600 litres chacun à destination d'Avignon (Grava, 2006, p.111,112).
D'autres débouchés sont plus lointains : Gênes ou Paris (Le Roy Ladurie, 1969, p.19).

Dès 1235 l'industrie de la soie est attestée en Cévennes, essentiellement pour des exportations sur Marseille. Il semble que le ver à soie aie été élevé à base de feuilles de mûriers, dans la région, en particulier vers Anduze, dès la fin du 13e siècle.

En 1296 le métier des dévideuses (trahandières) et dévideurs de cotons s'organise à Nîmes. La production est à destination de la papauté avignonnaise, en concurrence avec celle provenant de Lucques en Toscane. (Grava, 2006, p.112).

Certes les jardins (potagers, voire vergers), « figures obligées » de la subsistance, existaient déjà, auparavant, dans les « villae », puis manses et casals.
Mais, à partir du XIe-XIIe siècle, ils prennent une autre ampleur du fait de l'accroissement démographique, tant pour l'auto-consommation complémentaire des « bleds » que comme production permettant un revenu complémentaire par ventes .

« L' hort » familial , d'auto-consommation est le complément obligé de la « trilogie »du bâti (le « casal »), de la cour (« curtis) mentionnée telle quelle dans les contrats d'arrentement, les actes notariés, et, plus tard, les compoix.
« L' hort » est une parcelle d'un quart d'arpent soit environ 1000 à 1200 m2, surface jugée nécessaire à l'approvisionnement d'une famille, ou souhaitable pour attirer des nouveaux habitants dans le . Dans les actes elle n'est pas toujours individualisée, étant comprise dans la « trilogie bâti-cour-jardin » (Quellier, 2012, p.13 et suivantes).

Vu la multiplication des habitants cette « intensification jardinière » se traduit par l'apparition à proximité immédiate des « castra »,de zones organisées de jardins – les « ortales». Ces « ortales » sont régulièrement fumées. « A Aniane, au XIIe siècle, il existe des terrains qui, au milieu des jardins, servent à entreposer ou fabriquer le fumier ».
Les orts sont également irrigués : installés près des rivières et des canaux des moulins (qui ont fait leur apparition depuis le IXe siècle) les « orts » bénéficient de l'eau d'irrigation. A Aniane, au XIIIe siècle, la communauté installe et organise un vaste ortal « au delà de la porte de Montpellier, utilisant probablement les eaux du ruisseau des Corbières », avec des vannes pour chaque jardin.
Le plan masse des cultures de l'an XIII (1808) indique encore la présence de jardins dans ce secteur.

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Source : Archives Départementales de l'Hérault.

Le jardin peut donc être soit une propriété individuelle, soit celle d'une communauté ou d'une seigneurie ecclésiastique ou laïque : chaque abbaye possède ses jardins que ce soit dans ou hors de ses murs. Début XIIIe siècle l'abbaye d'Aniane possède à Montpeyroux 2 jardins. En 1190 Béranger de Puisserguier possède à lui seul, à Popian 14 jardins (Bourin-Deruau,1987,tome I, p.162 à 169).
Dans ce denier cas il s'agit d'une véritable « entreprise horticole et maraîchère » destinée à la vente sur les marchés.

Les villes elles mêmes s'entourent d'une ceinture verte de jardins et vergers telle à Montpellier dans les fossés de la « Commune Clôture » (Le Roy Ladurie, 1969, p.19).

Il s'agit de parcelles cultivées en céréales ou légumineuses coupées en vert pour le fourrage (« ferrage ») ou laissées à grainer pour la semence. Vu leur importance dans le système agraire ces parcelles sont particulièrement soignées, fumées, irriguées. Elles se situent à proximité du village et du château, dans le même quartier que celui des jardins, parfois même confondues avec celui ci. Les parcelles sont de petite taille ( 1 à 2 sétérée, soit 20 à 40 ares) (Bourin-Derruau,1987,tome I, p.166 et 167).

Avec l'abondance de main d’œuvre, les progrès techniques de l'attelage et de la charrue, de l'hydraulique avec, en particulier, la création de moulin avec la régularisation de cours d'eau (barrages-pessières, canaux - « béals » d'amenée et de fuite, digues,...) des terres de rives (« ribes ») jusque là inondables ou érodables deviennent accessibles au prix d'aménagements (canaux de dérivation, plantations de saules, levées de terre,...etc...) .

Nécessitant de lourds investissements ces terres sont seigneuriales, dans le cadre du manse, plus exceptionnellement d'origine « bourgeoise » urbaine.

Ainsi en 1299 les religieuses de l'abbaye du Vignonoul obtiennent du roi Jacques II l'autorisation d 'edifier une digue le long du Lassédéron. Il existe toujours, à l'heure actuelle, des vestiges de cette digue. Les religieuses peuvent détourner les eaux pour irriguer leurs terres. Elles y édifient le moulin de la Tourille (J. Segondy, L. Secondy, 1999, p.70).

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Source : géoportail.

Les condamines sont le plus souvent de très grandes parcelles – ou blocs de parcelles- avec des moyennes d'une trentaine d'hectares au XIIe et XIIIe siècles, alors que les parcelles « ordinaires » n'ont des moyennes que de 0,25 hectares.

Situées en zones humides elles jouxtent souvent les ortales et les ferragines.

Ces terres sont travaillées beaucoup plus intensivement que les « simples champs. Elles sont labourées à l'araire tractée par des bœufs, ce travail étant 15 fois plus productif que le labour à la main à l' aissade (la houe coudée). Les labours sont également plus nombreux, jusqu'à trois voire quatre pour année agricole commençant en « guéret » après la récolte précédente. Il peut s'y ajouter pendant le repos biennal de la terre un labour en « sadonat » (il ne s'agit pas d'une « jachère herbeuse). Les terres sont fumées.

Dans ces conditions de fertilité et d'intensification des façons culturales ces terres permettent de cultiver des productions plus valorisantes telles les prairies (éventuellement de fauche), le froment (et non plus l'orge), la vigne, et avec des rendements plus élevés. Il s'en suit des revenus plus importants donc une rente foncière, ainsi qu'une valeur en capital plus élevées.

Ces « condamines » ont été nombreuses (environ 250), couvrant une surface non négligeable (environ 7200 hectares, du Bitterois à la vallée de la Cèze). (Bourin-Derruau,1987,tome I,p.171 à 179 ;.Durand, 1999 ; Durand, 2003, p.259-256 ; Durand,2004, p.14 ; Roque et alii, 2011, p.18).


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(Source: A. Durand: les paysages médiévaux du Languedoc 10e-12e siècles », p.261)

Même si, postérieurement au XIIIe siècle, nombre de condamines ont pu être totalement ou partiellement démembrées, il en reste, encore aujourd'hui, de nombreux témoignages dans la toponymie repérables dans les cartes IGN et les cadastres.

La majorité des condamines se situent donc dans les plaines alluviales, mais, éventuellement, à proximité des garrigues (des reliefs), comme par exemple, au nord et au sud d' Aniane dans la plaine de l'Hérault ou à Campagnan:

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Extrait de carte IGN 1/25.000e, édition 1978: condamines au nord et au sud d' Aniane, en bordure de l'Hérault et des garrigues.

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Extrait de carte IGN 1/25.000e, Pézenas, 2644 est, édition 1981: condamines de Campagnan, en bordure de l'Hérault et des garrigues.

Parfois, un simple ruisseau suffit pour l'irrigation comme dans le cas de Salinelles, à partir du valat des Boutines:

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Extrait de carte IGN 1/25.000e, Sommières, édition 1979.

...ou encore à Coupiac, à partir du ruisseau de l'Ergue:

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Extrait de carte IGN 1/25.000e, St Martin de Londres, 2742 Ouest, edition 1979.

...ou même à partir de simples points d'eau, en contrebas du village et du causse, comme à Corconne:
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Extrait de carte IGN 1/25.000e, Claret, 2742 Est, edition 1979.

Cependant, d'autres condamines peuvent être situées en pleines zones de causses, à la faveur de micro-bassins cultivables et pourvus en eau, comme, par exemple à Viols en Laval ou Valmalle, sur le causse d'Aumelas.
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Extrait de carte IGN 1/25.000e, edition 2001: condamines de Viols en Laval, en garrigues

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Extrait de carte IGN 1/25.000e, edition 1986: condamines de Valmalle (St Paul et Valmalle), dans un micro-bassin du causse d'Aumelas, mais avec des points d'eau.

Dans tous ces cas de figures géographiques, on notera la proximité entre condamines et lieux d'habitat (les villages -castra), ces cultures intensives nécessitant plus de soins.

On estime à 7200 hectares nouveaux, ainsi gagnés par les condamines, entre le 10e et le 12e siècles. (Durand, 2003, p.332).

Dans la même logique d'aménagements hydrauliques, nombres d'étangs, de zones marécageuses, sont drainées afin de gagner des terres nouvelles. Les toponymes de « l'étang », de « l'estagnol » se rencontrent ça et là dans la zone des garrigues (par exemple au Pouget,-34-, à Saint Guilhem le Désert).

Ainsi, dans le sillon de Montbazin, la commanderie templière de Launac crée un canal d'assèchement l'étang de « l'estagnol » à la rivière Vène.
Les Templiers, installés dans la plaine de Fabrègues-Pignan-Cournonterral, aux domaines de Launac, Granouillères et Saint Jean de Clapasses, achètent en 1175 une partie de l'étang de Coculles (dit aussi de Launac). Pour assècher cet étang (actuel lieu dit l'estagnol) il font creuser le fossé de la Capoulière qui rejoint le ruisseau de la Garelle (J. Segondy, L. Secondy, 1999, p.61).

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Source : géoportail

Dans certains cas il se peut que l'assèchement aie été de type temporaire, selon le système de « l'assec-évolage » : par périodes l'étang, aménagé avec des fossés (les « recs ») d'amenée et de fuite (les « agouilles ») équipés de marteillères, est rempli, fournissant une réserve en poissons. Dans d'autres périodes il est assèché, pour la « récolte » des poissons, le curage, voire pour une prairie temporaire. Cela aurait été le cas à l'étang de Tortorières à Villeveyrac, au finage de Vairac. Mais l'existence de cet usage reste néanmoins objet de débats scientifiques. (Durand, 2004,p.294-295 ; Abbé,2006,p.89-90).

Au total les gains de foncier agricole en plaines, au bord des cours d'eau et sur les zones humides (condamines, ribes, étangs asséchés), au moyen-âge (XIe-XIIe siècles) auraient représenté de l'ordre de 10.000 hectares. Au delà de la simple donnée chiffrée de cette période, ces gains médiévaux ont façonné le paysage des vallées qui perdure jusqu'à nos jours.

Les forêts et les défrichements en garrigues (reliefs) (du Xe au XIVe siècles).

Ils peuvent prendre plusieurs formes et qui ont pu pu évoluer dans le temps.

Il est probable que, dans une première phase, avant 1150, où l'on ne possède quasiment pas d'actes écrits à ce sujet, il a pu s'agir de parcelles isolées, hors manses, sous forme d'alleu, fruit d'initiatives paysannes.

Il peut s'agir d'opérations de plus grande envergure d'origine seigneuriales laïques ou ecclésiastiques des « abbayes forestières » (George,1983, p.89), avec les défrichements monastiques.

C'est le cas en particulier, de l'abbaye de Valmagne, dans les collines de la Mourre, au sud du causse d'Aumelas.fondée en 1138, rattachée en 1159 à Citeaux, (Helas, 1993, p.153 ; Cholvy, 1976, p.55). Cette abbaye contrôle rapidement un vaste territoire, fait de vallons cultivables et de reliefs boisés, s'étendant au nord des fiefs de Fondouce et Marcouine, à l'est à celui de Veyrac, au sud aux granges de Valjoyeuse et Saint Martin la garrigue, à l'ouest à celle du mas de Novi.

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Source : géoportail

C'est le cas, également , dans la première moitié du XIIe siècle,de l'abbaye de Vignogoul, une communauté moniale, sous l'égide de l'évêque . sur le terroir de Pignan, en limite de la plaine et des garrigues,

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Source : géoportail

En 1163 elle est rattachée à Citeaux. Au siècle suivant (1243-1256), elle possède des terres de cultures et de dépaissance sur un vaste territoire de garrigues et bassins de Gigean à Vailhauquès, à l'est du causse d'Aumelas (Site Abbaye de Vignoboul) (J.Segondy, L.Secondy, 1999, p.57).

A Saint Félix de Montceau, dans la montagne de la Gardiole, l'évêque de Maguelone installe, début XIIe siècle, un prieuré de femmes, qui deviendra, au milieu du XIIIe siècle une abbaye cistercienne (Cholvy, 1976, p.56).

Dans la plaine de Fabrègues-Pignan-Cournonterral et les garrigues de Launac dans la montagne de la Gardiole, les Templiers acquièrent Launac, le mas des Granouillères, et la métairie de Saint jean des Clapasses. Peu à peu ils accroissent leurs domaines. En 1218 ils acquièrent 6 pièces de terres sur la paroisse de Saint André, puis , en 1229 15 terres à Saint Michel de Mujolan, 14 à Saint André, 1 pré à Fabrègues. En 1230 Raimond de Mujolan leur donne la terre de Mujolan (J.Segondy, L.Secondy, 1999, p.59).

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Sources : géoportail
Acquisition de terres par les Templiers, au 13e siècle, dans le sillon de Montbazin et dans le massif de la Gardiole.

Il peut s'agir, aussi, de la main mise seigneuriale, a posteriori, sur les défrichements « spontanés », paysans, de la première phase du 11e siècle (A.Durand, 2003, p.302-308).

Que ce soit, à l'origine par défrichements spontanés de paysans sous forme d'alleux, ou par opérations seigneuriales et ecclésiastiques de plus grandes envergure, sous forme de manses, dans les deux cas, on est, ici, dans de véritables extensions, nouvelles de « l'ager », dans des « fronts pionniers », géographiquement bien localisés et cartographiables (Durand, 2003). Il ne s'agit plus, comme dans les périodes précédentes, notamment carolingienne au IXe siècle, de reconquérir des terres de l'ancien ager antique, délaissées du fait, essentiellement, de crise démographique. Il s'agit, maintenant (à partir du XIe siècle), de faire face à l'augmentation démographique, de subvenir au besoin de subsistance.

Un front pionnier particulièrement actif est celui du Causse d' Aumelas  du fait de la présence seigneuriale laïque et des abbayes (Bourin-Derruau, 1997, tome 1, p.7 ; Durand ,2003, p.192).

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Sources : géoportail
Carte des fronts pionniers de colonisation fin Xe-XIIe siècles (cartographie Panouillères Th., d'après Durand dans «  les paysages boisés du Moyen Age, les défrichements au Moyen Age », article dans « Bois et Forêts de l'Hérault », Archives Départementales et Office d'Action Culturelle de l'Hérault, 1998, Montpellier, page 28).


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Causse d'Aumelas, défrichements fin 10e-12e siècles.
Extrait de la carte des fronts pionniers de colonisation fin Xe-XIIe siècles (cartographie Panouillères Th., d'après Durand dans «  les paysages boisés du Moyen Age, les défrichements au Moyen Age », article dans « Bois et Forêts de l'Hérault », Archives Départementales et Office d'Action Culturelle de l'Hérault, 1998, Montpellier, page 28.

Une description concrète, et assez unique, des techniques de défrichements et de culture nous est parvenue : celle de Gervais de Tilbury, dans son « livre des Merveilles » (un « best seller du moyen-âge »), de la période d'une vingtaine d'années environ (1189- 1214) où il résidait en Arles.

« ll y a dans la province de Narbonne, à proximité de Montpellier, le château de Montferrand : sur le territoire de ce château, après que l’on a rasé le bois et qu’on l’a brûlé, la terre est cultivée comme on le fait pour les champs nouvellement défrichés, et labourée à la charrue ; elle produit des vignes sans qu’on les ait plantées. Ces vignes poussées ainsi par le bénéfice de la nature font un très bon vin pendant trois ans ; puis elles retournent à une stérilité sauvage si elles ne sont pas brûlées de nouveau. (Sources : Gervais de Tilbury, Le Livre des Merveilles, trad. Annie Duchesne, Paris, 1992, p.36 citée par C. Viguier, 2008).
Le bois est donc coupé. On amende le sol par les cendres. Il s'agit de culture sur brûlis.
On choisit d'y cultiver la vigne ce qui confirme l'intérêt pour cette culture à cette époque, (tel que signalé précédemment dans les analyses de Bourrin-Derruau et Le Roy Ladurie).
Cette vigne « naturelle » pourrait être la « lambrunche » - ou « lambrusque » dite « vigne sauvage » mais qui, en fait serait un cépage ancien – ou résulterait de croisement de cépages. Une station existe encore de nos jours sur le Pic Saint Loup (communication personnelle du Centre d'Ecologie Fonctionnelle et Evolutive – CEFE- du CNRS Montpellier).
La mise en culture dure 3 ans , seulement. Au delà, il faut à nouveau amender à l'aide de cendres.

Les régimes fonciers des forêts.

Dans la région des garrigues de l'Hérault et du Gard les forêts sont d'abord et surtout seigneuriales.
C'est le cas, en particulier, des forêts du comte d'Aumelas, des seigneurs nord montpelliérains au pic Saint Loup, causse de l'Hortus et bassin de Londres, de l'évêque d'Agde à Sète au Mont Saint Clair (actuelle forêt domaniale de Pierres Blanches).

Les seigneurs peuvent reconnaître - ou attribuer – moyennant redevances, des droits d'usages à des communautés.

en 1167, la communauté de « Castelnau, du Crez et du Salezon » obtient, de son seigneur, Guilhem de Montpellier un droit de coupe (ADH C 2978, cité par Pelaquier, présentation 2009, p.11).

En 1248 les « Hommes de Saint Victor de la Coste » obtiennent de leur seigneur, en emphythéose, la totalité des vastes pâturages de la montagne de Malmont (ADG 1J 1130, cité par Pelaquier, présentation 2009, p.11).

En 1263, la communauté de Montbazin obtient de son seigneur un tènement en garrigues (ADG C 2957, cité par Pelaquier, présentation 2009, p.11).

En 1313 la Communauté de Pignan obtient de ses 5 seigneurs la donation pure et simple, non révocable de tous les droits de propriété et de directes sur les garrigues (J. Segondy, L.Secondy, 1999, p.62).

En 1124 le vicomte de Nîmes, Bernard Aton, fait donation « au peuple de Nîmes » des garrigues moyennant la forte somme de 1000 sous en monnaie de Saint Gilles ». Vers 1140 le « charroi de nîmes » évoque ces garrigues comme pâturages : «  donnez moi Nîmes où sont les tours pointues et son pays, et toute la pâture ». C'est là, pour la ville, le début d'une économie pastorale de la laine, de la viande, et du cuir. En 1144 cette donation est renouvelée une première fois, en présence des consuls de la ville (Grava, 2008, p.97). En 1185 « le comte de Toulouse confirme cette donation, « sans réserve, au peuple de Nîmes, pour servir à ses pâturages, de tous ses bois » (George, 1983, p.90 ; Martel, 2003, p.115).

Le bois de Valène sur la commune de Murles, était la propriété initiale du Comte de Mauguio, puis par alliance, de Raymond VI de Toulouse (1156-1122). Du fait de l'excommunication de ce dernier (croisade contre les cathares), le bois de Valène passe à l'évêque de Maguelone. Celui ci, en difficultés financières, le cède en 1215-1216 à la commune de Montpellier, alors en pleine expansion démographique et économique, s'assurant ainsi un proche et abondant approvisionnement en bois (Roque et alii,2011, p.42).
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Le bois de Valène à Murles (34) acheté, en 1215-1216 à l'évêque de Maguelone par la commune de Montpellier pour s'assurer de son approvisionnement en bois.
Source : Géoportail.

Dans certains cas il se peut même que des forêts aient échappé à la main mise seigneuriale telle, par exemple la forêt de Puechabon. Il s'agit d'un vaste « patus » (les 2/3 de la commune, soit 2016 hectares à l'époque). C'est un ensemble de biens indivisibles, qualifié dans les plus anciens textes d'alleu, c'est à dire libre de droits et de redevances. Nulle mention n'y est faite d'une éventuelle donation ou cantonnement d'usage par un quelconque seigneur. Ce patus aurait ainsi échappé à la féodalisation engagée au 12e siècle. Le droit de lignerage (coupe de bois et ramassage de bois mort) fut d'abord exercé dans le vallon de Corbière, au sud-est du massif. Le pâturage caprin et bovin s'exerçait sur une partie du patus. L'ensemble a fourni, pendant des siècles, des ressources considérables et variées à la Communauté (Roque et alii,2011, p.259).

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Les forêts actuelles de Puechabon :
en rouge la forêt communale, existante depuis le XIIe siècle au moins
en vert la forêt domaniale, achetée à la commune en 1923
Source : Inventaire National Forestier (IFN) Inventaire National Cartographie 34 sur le site de l'IFN
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La forêt communale de Puechabon et la combe de Corbière, premier lieu du droit de lignerage
Source : Inventaire National Forestier (IFN) Inventaire National Cartographie 34 sur le site de l'IFN

Suite du chapitre

: La surexploitation des forêts subsistantes et les premières règlementations (12e - 14e siècles), les zones nouvellement défrichées sur les piémonts, plateaux et micro-bassins associés, et la conclusion du chapitre, l'apogée et les impasses d'un cycle historique.