Le BAS MOYEN ÂGE de 1350 - 1500.

Discussion sur ce chapitre
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4e période : de 1350 à 1450


  • « L'étiage démographique de 1450 ».
La dépopulation sera terrible telle qu'on peut l'observer dans les livres de tailles, dans les compoix, avec la disparition des contribuables. C'est l'époque de « l'homme rare ». A Ganges 50 % des habitants disparaissent. D'une manière plus générale en Languedoc la population décroît de 50 à 70 %. Vers 1450 l'on atteint « l'étiage démographique »: le « degré zéro du peuplement » avec l'équivalent de1/3, seulement, de la population du XVIIe s.

Dans ce contexte le foncier agricole (l'ager) et les cultures reculent.

  • A commencer par le recul des cultures spéculatives, telle la vigne :
En Biterrois, représentatif néanmoins de l'ensemble du Languedoc, (voire du sud de la France), le recul des vignes a pu être mesuré en nombre de vignes pour 100 parcelles, c'est à dire en pourcentage du total des parcelles (Le Roy Ladurie, 1966, p.19).
1353 : 40
Fin XVe s : 6
1520 (reprise) : 20

  • En garrigues, le recul des cultures et des défrichements, le retour du saltus et de la silva.
Le vignoble est d'abord et avant tout abandonné dans les mauvaises terres, les moins productives , sur les reliefs de garrigues, contrairement aux riches terres alluviales, comme l'attestent les redevances seigneuriales.

Les « terres à grains » des reliefs de garrigues sont elles aussi abandonnées, remettant en cause les « fronts pionniers » de défrichements élaborés depuis le XIe siècle. Quelques grands domaines se constituent s'appropriant ce foncier vacant. (Le Roy Ladurie, 1966, p.21). Des écarts, des hameaux sont désertés. Des villages s'anémient, ainsi que leurs main d’œuvre paysanne et leurs contribuables.

En place de l'ager, c'est le retour du « saltus », puis de la « silva » à la place même des pâturages : c'est « l'impérialisme de la forêt  d'yeuses ». (Le Roy Ladurie, 1966, p.23).

Les évolutions de la propriété foncière entre 1350 et 1450.


  • La concentration foncière.
A la place du réseau de petites propriétés de 1350, il s'est constitué, par dépopulation, un rassemblement d'héritages et par vacance des terres, un réseau de moyennes et grandes propriétés, pouvant représenter jusqu'au 2/3 des propriétaires.
En 1460, dans des paroisses types, les grands domaines sont ceux qui comportent plus de 100 sétérées (environ 50 hectares) possédant 30 % du foncier.

  • Le démembrement de certains grands domaines.
Certaines domaines ecclésiastiques, en difficultés, ont pu être partiellement démembrés au profit de nouveaux propriétaires. C'est le cas, par exemple, des domaines de Fondouce et Marcouine cédés par l'abbaye de Valmagne. Quelque temps plus tard, en 1477 c'est l'ensemble de l'abbaye qui est mise en commende au profit de famille nobles, les Lauzières et de Villeneuve.

  • Mais c'est surtout la classe moyenne qui rassemble la plus grande partie du foncier .
Les moyens propriétaires détiennent chacun un foncier de 20 à 100 sétérées (10 à 50 hectares). Ensemble ils représentent 1/3 des propriétaires mais 50% du foncier des communautés.
Par contre le nombre de petits propriétaires s'est réduit et ne concerne plus qu'une partie réduite du foncier des Communautés : 1/3 de petits propriétaires subsistent sur 20%, seulement, du foncier. (Le Roy Ladurie, 1966, p.25 et 26).

- Remembrement foncier et « remembrement familial » : « l'affrèrement ».
A ce remembrement foncier correspond un « remembrement familial », sous un même toit «  à feu et à pot » autour du père, du chef de famille, seul détenteur réel du foncier, face à ses enfants, gendres ou brus. Par des formules juridiques de communautés de biens, de donations aux enfants avec réserve d'usufruit, de versements de dots de père à père, le « pater familias » garde la main sur le foncier.
Au-delà même de sa mort l'unité foncière est maintenue entre les enfants mâles par le contrat « d'affrèrement » c'est à dire la communauté de biens entre frères- la « frérèche »- « qui se font, symboliquement, donation réciproque de la moitié de leur foncier ».

« L'affrèrement » peut même dépasser le cadre de la frérèche : il peut se faire entre époux, voire hors de la famille par mise en commun de patrimoine, revenus et vie commune.
Cette formule juridique correspond en fait aux besoin de sécurité, dans des zones dépeuplées, manquant donc de main d’œuvre, et dans des zones de sols peu fertiles, peu rentables : elle sera pratiquée au delà de 1450 quand (de 1450 à 1550), du fait de la reprise démographique, il faudra reconquérir les sols abandonnés des anciens défrichements dans les garrigues (reliefs) (Le Roy Ladurie, 1966, p.38 à 43).

« L'avantage » aux fermiers, la diminution de la rente foncière .

Dans cette période de raréfaction de la main d’œuvre paysanne , les propriétaires, surtout les grands ont du mal à trouver des fermiers. Ceux ci peuvent alors « imposer leurs conditions ». les rentes en grains ou en argent chutent de environ 40 % avant 1350 à 1/3 voire 1/4, voire 20 %, y compris même les meilleures terres, les condamines.
Cette rente est d'autant plus faible que les propriétaires ont du diviser leurs fermages en plusieurs petits fermages, attribués aux petits propriétaires démunis.
Parfois même le propriétaire est obligé de fournir le crédit à ces petits fermiers pour acquérir le matériel, l'araire, le soc (la « reille »), la paire de boeufs...
Dans ces conditions le propriétaire ne peut guère dégager de capital pour des investissements.
Le capital foncier, tel quel, est peu rentable.

Les propriétaires-exploitants : l'exploitation directe pour maintenir la rente.

Dans ces conditions de faible rente, certains propriétaires n'ont d'autres choix que l'exploitation directe, en mettant eux mêmes la « main à la pâte », en recrutant eux même leurs ouvriers, commandés par un « bayle », en donnant leurs ordres, en faisant eux même les comptes, autrement dit en devenant propriétaires-exploitants.
Mais là encore le profit peut être obéré par le coût de la main d’œuvre, avec des salaires 3 fois plus élevés que dans la période suivante d'abondance démographique.
Il est donc plus intéressant de rester dans un contexte familial et lignager pour s'éviter ces coûts de main d’œuvre.
Dans ces conditions d'association de propriété foncière – de préférence moyenne- et d'exploitation directe, voire familiale, le capital foncier est rentable.

Les cultures : le froment dominant , céréale « noble ».

Avec une population moindre à nourrir et une plus grande disponibilité des bonnes terres, qui plus est remembrées, la culture du froment, céréale la plus « noble », prend une importance primordiale. Elle se substitue, pour partie à l'orge précédemment dominante du Moyen-Age, que l'on avait étendu jusqu'aux terres les plus sèches et les plus pauvres .
Dès lors l'orge, déconsidérée comme « céréale des pauvres gens » (Olivier de Serres) ne retrouvera plus sa place traditionnelle méditerranéenne dans l'alimentation humaine. Elle sera juste bonne pour les chevaux (Le Roy Ladurie, 1969, p.53-55).

Saltus et silva , 1350 -1450.


  • Les Communautés  sont en situation favorable .
Du fait du recul de la démographie et des activités, les revenus fiscaux des seigneuries sur les patus et forêts ont décru. Les Communautés sont en position de force pour renégocier leurs usages, voire acquérir ce foncier.
C'est le cas, par exemple dans le Gard rhodanien de Valliguières, de Saint Victor de la Coste (Pelaquier, 2003, p.70).

  • L'élevage « a la part belle ».
De vastes espaces de saltus et de silva sont disponibles. La production et la consommation de viande sont importantes. Les bergers ont la « part belle ». Dans le patus communal d'Aniane, en 1433, quatre bergers peuvent « imposer leur loi » face aux chefs de famille des laboureurs.
A Gignac, vers 1410 le nombre de troupeaux a été multiplié par 4, par rapport au siècle précédent (Lalanne, communication personnelle).

Le développement des verreries en forêt (1350-1500).

Le bois est redevenu abondant.

  • Une Demande croissante de verre.
La demandes est là : dès le XVe siècle les vitres (le verre plat) remplace le papier huilé, même dans les maisons modestes (Gaidan,1991, p.15). Le commerce du vin est également demandeur de bouteilles en grand nombre.

  • Des privilèges royaux favorisant la création de nouvelles verreries. La « charte de Sommières ».
Des verreries nouvelles sont créées en forêts, s'appuyant sur les privilèges accordés par le Roi aux « gentilshommes verriers » : celui de 1339 (de Philippe VI de Valois) (Gaidan,1991, p.13 ; Cristal, 2005, p.139), mais surtout, en 1436, les « règlements de Sommières » de l'ordonnance de Charles VII (Gaidan,1991, p.11) et le privilège de 1445 dite charte de Sommières (Cristal, 2005, p.140-141).

  • Les verreries et les terres cultivables et prairies.
Outre les installations de la verrerie elle même, il peut être nécessaire de disposer de champs ou jardins pour nourrir la main d’œuvre, de prairies pour les animaux de bât et le cheval du gentilhomme, signe de distinction sociale.
En 1394, à Rousson (Rousson la Verrière,au nord d'Alès), il se construit une « veyrière neuve » au mas de la Pénitence, « avec ses maisons, cazals, courts, jardins, terres, vignes et olivettes et autres possessions tant cultes que incultes duement confrontées, notamment avec le grand chemin royal de Saint Ambroix... » (Archives Départementales de l'Hérault, A.D.H, 2 E 96-2 citées par Gaidan, 1991, p. 49-50 et Gaidan, 2008, p.25).

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En 1394, à Rousson la Verrière,au nord d'Alès, Guillaume Pons construit une « veyrière neuve » au mas de la Pénitence, confrontant le grand chemin royal de Saint Ambroix (Gaidan, 2008, p.25).
Source : IGN Géoportail.

Au XIVe siècle, à Rousson, les Pons avaient une verrerie au mas de la Pénitence, les Aigaliers au village d'où ils tirent leur nom (proche d'Uzès) (Cristal, 2005, p.176-177).
En 1430 les Adhémar créent la verrerie du mas de Sueihes, dans la combe de Fambetou entre Pic Saint Loup et Hortus (Cristal, 2005, p.159). En 1449 un acte signale la verrerie de Pierre Adhémar à Assas. Quelque temps après les Adhémar acquièrent le mas des Lambuscalles (paroisse de Valflaunès), puis en 1457, le mas de la Vaisso à Pompignan (Cristal, 2005, p.154).
A la même époque se créent d'autres verreries : celle de Juoilhes au Rouet, à partir de 1436 (Riols , cité par Cristal,2005, p.170).

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La verrerie de Juoilhes, commune de Rouet, sur le causse de l'Hortus, crée en 1436.
Source : Géoportail IGN

à Notre dame de Londres, au mas Ricome,
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La verrerie du mas Ricome, à Notre Dame de Londres, créée au XVe siècle.
Source : Géoportail IGN.
au Coulet proche du col de la Cardonnille (entre le bassin de Londres et Saint Bauzille de Putois)

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La verrerie proche du Coulet et du col de la Cardonnille (entre le bassin de Londres et Saint Bauzille de Putois), créée au XVe siècle.
Source : Géoportail IGN.

et à Montoulieu, à Montguilhem :

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La verrerie de Montguilhem, à Montoulieu, créée au XVe siècle.
Source : Géoportail IGN.

Des verreries apparaissent également, au XVe siècle autour de Ganges (famille Castelviel) (Cristal, 2005, p.161). La présence de familles d'anciennes familles de verriers, de véritables dynasties qui se sont dissémin ées, est également attestée vers 1460 à Sauzet (30) (les Faucon), en 1501 à la Calmette (Jacques Azémar), à Saint Jean de Ferrières au XVe siècle (les deux frères Falcon ou Faucon qui y possédaient une verrerie), à Gaujac au XVe siècle (les Cailar).


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