Le FONCIER DURANT le "BEAU 16e SIÈCLE" (1500 - 1560) .

Discussion sur ce chapitre
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( additif de O. de LABRUSSE au 14 février 2013: depuis la rédaction de ce texte, il y a maintenant 1 an, début 2012, la réflexion et les lectures ayant progressé, la date de 1500 est à relativiser ou plutôt à "remonter" dans le temps. Le redécollage démographique et économique après la période dite "guerre de cent ans" , a commencé plus tôt. Selon différents auteurs et sources il se situerait à partir de 1450, ou 1460, ou 1470. Mais il est toujours arbitraire, bien sûr, de borner par des dates précises des évolutions structurelles de périodes entières).

Nous nous attarderons particulièrement sur le 16e siècle qui met en place les « fondamentaux » du foncier de la période, voire jusqu'au 18e siècle, quitte, dans un deuxième temps, à montrer différentes inflexions ou évolutions.

Une des solutions à l'accroissement démographique : Les défrichements des pentes et reliefs en garrigues au 16e siècle : l'exemple de la Vaunage nîmoise.

Un exemple donne la proportion de ces défrichements par rapport au terroir des communautés:

Langlade, en Vaunage nîmoise, bien connu par ses compoix,étudiés, en 1962 par un agronome, Barry, et le célèbre historien Le Roy Ladurie. En 1500 le bassin ou plaine de 385 hectares est totalement cultivé en terres labourables (306 ha), vignes (50 ha), oliviers (29ha).
En attente schéma répartition des cultures.

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Cette répartition est totalement classique de cette économie, essentiellement vivrière (79,5% pour les « bleds »), très secondairement spéculative (13% pour la vigne, 7,5 % pour les olivettes).
Seuls 3 hectares (2,93) nouveaux ont été défrichés et sont labourés dans la garrigue de 520 hectares, pour de l'orge et de l'avoine.
Les surfaces en bleds, en plaine, avec leurs faibles rendements, qui plus est stagnants à partir de 1520-1530, se révèleront insuffisantes tout au long du siècle. Pour faire face au croît démographique, une seule solution : augmenter les surfaces dans le seul espace disponible : la garrigue, malgré les difficultés du défrichement et la relative pauvreté des sols, donc des rendements attendus.

  • Les défrichements : la « faim de terres à bleds ».
En 1576, soit 76 ans plus tard, en garrigue 15 fois plus de terres ont été défrichées qu'au début du siècle: 44 hectares sur les lieux dits aux noms bien significatifs : puech chaud, combe de la cabre, Terre Loing, Puech des chênes...
En 1597 malgré - ou à cause?- de la crise de fin de siècle, l'expansion se poursuit : il en va de la survie des plus pauvres. Il s 'agit, maintenant de 85 ou 87 hectares, soit plus de trente fois que la surface initiale de 1500. (Barry,1962, p.437 ; Le Roy Ladurie, 1969, p.64 ; Teisseyre-Sallman, 2003, p.145 ;Martin,1987,p.82).

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Aujourd'hui encore, d'anciens parcellaires de défrichements, soulignés par des murets, sont encore présents dans les garrigues de Langlade. Certains pourraient dater du 16e siècle. (Ici, zoom sur le Puech de Vierne)

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Source : géoportail

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Au total, en 1 siècle, entre 1500 et 1597, le foncier agricole de Langlade s'est accru de 22,4%, alors que la population a doublé. Cela restera insuffisant assurer la subsistance de base de la population en céréales. Pourtant les défriches se sont faites essentiellement pour celles ci, et même en plaine se sont substituées partiellement à la vigne, qui a perdu, en 1576, 35 % de ses terres.
Au cours du siècle, le foncier agricole a donc évolué de plus en plus vers l'économie vivrière de subsistance, plutôt que vers l'économie spéculative.

  • L'appropriation privée des garrigues :
En 1500, la propriété de ces 520 hectares de garrigues se répartit entre 39 hectares de divers propriétaires (7,5 % de la surface totale) et 481 ha de communaux (92,5% de la surface totale).
Dans la partie privée (39 ha) l'essentiel est encore en bois taillis mis en défens (devès), soit 36,07 ha (92,48 % de la surface privative des garrigues).
En 1576 la partie privée (défrichée) des garrigues atteint 8,46 % de la surface totale de ces garrigues.
En 1594 elle représente 16,73 %.

  • L'évolution vers la micro-parcellisation des défrichements en garrigues au 16e siècle :
En 1500 les 22 parcelles privatives font 2 hectares en moyenne. En 1576 il y a maintenant 165 parcelles, ne faisant plus que 0,25 ha en moyenne .Les parcelles se sont réduites de 8 fois.

  • Un accroissement relatif des surfaces cultivées, consacrées quasi uniquement aux « bleds » :
Certes à Langlade la progression des surfaces foncières, en valeurs absolues (en hectares), dans le siècle est importante, voire spectaculaire.
Mais, en valeurs relatives, elle l'est moins : les 44 hectares supplémentaires défrichés en garrigues en 1576 représentent 14,38 % de terroir labourable supplémentaire, ajoutés à ceux de la plaine.
Ces terres défrichées sont consacrées quasi exclusivement aux blés (et ceci jusqu'en 1597). Le vignoble n'existait quasiment pas en garrigues : à peine 2 hectares en 1576 et 1597. On reste, ici, tout au long de ce 16e siècle, dans une économie vivrière. Encore ne s'agit-il, souvent, que de terres pauvres où les rendements iront décroissants (3 pour 1), ou, inversement, de terres lourdes, difficiles à labourer.

Les premières protestations contre les défrichements en garrigues.

Face aux autres usages des garrigues ( approvisionnement en bois, pâturages) les premières contestations se font jour.
En 1558 le Parlement de Toulouse interdit aux habitants de Nîmes « d'extirper ou de réduire en culture aucun endroit des garrigues » (Martin, 1987, p.82 citant Billange 1943).

Au 16e siècle, le foncier agricole reste majoritairement consacré à la «tyrannie des bleds».

(Le Roy Ladurie 1969, p.83-90 ; Teisseyre-Sallman, 2003, p.144-145).
Sur l'ensemble du diocèse de Nîmes, en 1552, les 2/3 des terroirs sont consacrés aux grains, représentant 63% du total des dîmes. Sur celui d'Uzès en 1552, 80% des surfaces sont consacrées aux « bleds » (Teisseyre-Sallman, 2003, p.145).

  • Une première phase 1480-1530 de croissance des rendements et de la production.
Entre 1450 (ou 1480) et 1520-1530 la production globale de céréales croît, du fait de la remise en cultures des terres en friches de l'ager, fertilisées par leur longue jachère de 1350 à 1450. Sur les meilleures terres alluviales, les condamines, les rendements hectares sont de l'ordre de 50 hectolitres par hectare. Sans doute, également, les défrichements, particulièrement ceux sur les sols humifères forestiers ajoutent à la production globale.

  • Une seconde phase, à partir de 1530, de stagnation voire de décroissance de la production.
Mais dès 1520-1530 les rendements stagnent, voire décroissent, par absence de nouvelles techniques agricoles et par épuisement de la couche humifère et des sols les plus médiocres. La stagnation de la production, face à l'augmentation de la population (doublement voire triplement) et donc de la Demande fait que, tendanciellement, les prix du blé augmentent : ils doublent entre 1480 et 1530 ou encore sextuplent entre 1480 et 1580. A cela s'ajoutent les nombreux accidents climatiques, et à partir de 1560, les guerres de religion, qui provoquent des pics de prix des grains.

  • L’appauvrissement des petits propriétaires.
Mais du fait de l'augmentation générale des prix, agricoles et non agricoles, des impôts, de l'inflation-argent, le revenu agricole réel de ceux qui ne vivent pas essentiellement de la vente de grains stagne. C'est le cas pour la masse des petits propriétaires, dont le foncier n'a cessé de s'amenuiser du fait des successions, ou dont le rendement des terres défrichées a eu vite fait de diminuer. Ce foncier, trop exigu, de faible valeur agronomique, est insuffisant pour vivre en auto-subsistance, et pour nourrir la famille. Les nombreux accidents climatiques peuvent alors transformer des disettes en famines. Le revenu réel par tête de cette catégorie de paysans diminue. (Le Roy Ladurie 1969, p.83-90).

Les cultures d'appoint comme réponse -partielle- à l'appauvrissement : mûriers, oliviers, vignes.

  • Les mûriers ne sont encore qu'une culture d'appoint en jardins.
Après l'éclipse de 1350-1450, le marché de la soie s'installe à Avignon. A partir des environs de 1500, c'est un centre principal. A partir de 1540-1550 il s'agit d'approvisionner ce marché en pleine croissance. En 1498 Nîmes obtient du roi louis XII le monopole régional de la fabrication d'étoffes de soie (Grava, 2006, p.116). On se met alors à planter, en particulier dans la région de Montpellier. Mais il ne s'agit encore là que d'une culture d'appoint, limitée aux jardins.

  • Une nouvelle mise en œuvre et valorisation du foncier, particulièrement dans les défrichements de pentes et reliefs : olivettes (et almandrées).
Un des moyens de mise en valeur des nouvelles terres de défrichements, souvent sèches, parfois rocailleuses, souvent sans moyens de fumure, est la plantation d'oliviers (et amandiers), d'autant plus quand la demande en huile est forte, et quand on peut faire « coup double » voire « triple » en complantant de céréales, vignes, de fèves...

Parallèlement la rente oléicole a augmenté. Dans les grands domaines, par exemple ecclésiastiques on adjuge au plus offrant la dîme de l'huile, avec une rente en nature (en huile) pour les ecclésiastiques.

C'est alors que l'olivier devient alors la 3ème culture de la «trilogie méditerranéenne» après les céréales et la vigne, comme c'est le cas, par exemple, en 1552, dans le sud du diocèse de Nîmes-Alès.

Quelques bassins oléicoles.
Dans certaines zones, c'est le « raz de marée » des oliviers. De véritables « bassins oléicoles » apparaissent.
A Uzès, entre les compoix de 1477 et 1560, le nombre d’oliveraies est multiplié par plus de 5 (de 47 à 250). Les surfaces, selon tel ou tel lieu-dit, passent de 0 à 14 ha, ou, à tel autre endroit sont multipliées par 27,5 (A. Chabaud, 1967, t. II, p.54).

Dans le sud du diocèse de Nîmes-Alès, dans cette zone plus chaude et plus proche des ports d'exportation de l'huile, 1/3 des labours sont consacrés aux olivettes (Le Roy Ladurie, 1966, p.67 et 68). Ainsi la viguerie de Sommières a été l'une des, voire la première, au début du 16e siècle, à se lancer dans cette spéculation. En 1552, les olivettes y représentent, en valeur, presque le tiers de celle des labours (Teisseyre-Sallman, 2003, p.146).

A Gignac, vers 1400, 1% seulement des parcelles est en olivettes. Dès 1462 on atteint presque 20 %. En additionnant olivettes et champs complantés en 1519 on atteint 33%, en 1534 : 58 % (42 % d'olivettes, 14 % de complants), en 1596 : 70 % (34 % d'olivettes, 36 % de complants). On en finit par délaisser blé et vignes. On a conquis tout le terroir disponible, y compris les pentes, au prix d'aménagement de banquettes et terrasses.
Des contrats de plantation «d'estaques»(jeunes oliviers) et d'entretien des arbres peuvent être passés, moyennant salaire journalier. Les contrats de fermages prévoient aussi ces plantations, au frais du fermier, au rythme de 10 à 12 estaques par an (soit 1000 ! en un siècle). (Le Roy Ladurie, 1966, p.65).

Mais, globalement l'olivier est dispersé dans les terroirs, comme culture secondaire.
L'olivier n'y est que rarement conduit en olivettes. Il s'agit plutôt de plantations dispersées en bords de chemin, en complants, voire en arbres isolés dans les labours.
Dans le diocése d'Uzès l'olivier représente 8,1% des surface . Sur l'ensemble du diocèse de Nîmes il ne représente que 6% en valeur et en surfaces cultivées (Le Roy Ladurie, 1966, p.67 et 68 ; Teisseyre-Sallman, 2003, p.145).

  • Le foncier et la vigne au 16e siècle : une place secondaire.
D'une manière générale la vigne reste assez secondaire. Dans les zones intérieures (zone des garrigues) des diocèses de Montpellier et de Nîmes elle n'occupe que de 1 à 10 % des surfaces. Dans l'ensemble du diocèse de Nîmes elle représente, au compoix diocésain, en 1552, 16 % en valeur des dimes et 15,7 % des surfaces cultivées. Dans celui d'Uzès 12,1 % (Teisseyre-Sallman, 2003, p.145).
La consommation de vin est faible pour l'époque. Un ouvrier consomme 1,70 litre par jour.
La raison de cette place secondaire tient à plusieurs facteurs.
Tout d’abord, on préfère réserver la terre aux céréales, base de l’alimentation, mais aussi base des représentations de ce que doit être un bon agriculteur et un bon usage des terres.
Qui plus est, ou par conséquence, la vigne est généralement cantonnée aux terres les moins fertiles, produisant de faibles rendements, de 15 hectolitres / hectare en moyenne.
Le plus souvent, il s’agit des versants ou reliefs, plus difficiles à mettre en valeur, voire à aménager avec des terrasses (Chabaud, 1967, t. II, p.51).
A l’investissement initial de journées de travaux de défrichement, voire d’aménagement, de plantation, s’ajoutent les « journées d’hommes » d’entretien de la vigne, de vendanges, de vinification. La vigne est une culture bien plus contraignante que les céréales !

Mais également, la concurrence pour des terres porte sur les produits plus lucratifs, voire spéculatifs : les grains et l'olivier.
En effet le vin, du fait de vendanges précoces, d'absence de soufrage, de véritables techniques vinicoles, ne se conserve pas, ne passe pas l'année. Il est de faible qualité, et peu rémunérateur. Il n'est pas non plus transportable par terre du fait de sa faible conservation, et du faible rapport entre les coûts de transport et le prix de vente.

  • La vigne : «une culture des périphéries urbaines» (Teisseyre-Sallman, 2003, p.146-147).
Dès lors le vignoble se limite à des zones de proximité, en situation péri-urbaine, près de Montpellier, Nîmes, Uzès...
Dès 1477, au compoix d’Uzès, le nombre de parcelles en vignes (612) est à peine inférieur au nombre de parcelles en « terres » (782). En 1560, leur superficie totale est le double de celle des années 1960. (Chabaud, 1967, t. II, p.51).
En 1552, dans la viguerie d'Alès (8 communautés), les 3/4 de vignes sont localisées dans la Communauté d'Alès.
Dans celle de Sommières (14 paroisses), 50 % des vignes sont dans les 2 paroisses de Sommières et Villevielle.
A Congeniès, en Vaunage, proche de Nîmes, le vignoble de plaine occupe une surface non négligeable de 100 hectares, sur les 350 du bassin (28,57 % de la surface) (Barry, 1962, p.438).
A Boissières, en 1575 et 1577, 30 hectares de garrigue sont défrichés pour y planter de la vigne (et des oliviers) (Martin, 2011, p.122, citant Barry, 1953).

Une autre raison de la place relativement restreinte de la vigne tient, peut-être, à l'édit de 1553 de Charles IX (1560-1574), qui limite celle-ci, au profit des cultures de céréales (Médiathèques..., 1997, p.3).

Un peu comme dans le cas de l'olivier il existe cependant une exception liée à l'exportation et aux zones littorales. C'est le cas de la zone de Frontignan et de ses villages alentour, avec, sans doute du muscat, exporté par les commerçants marseillais, vers Gênes et Libourne. (Le Roy Ladurie, 1966, p.67 -74).
C’est le cas, également, des vins de Laudun, cités en 1557 par Olivier de Serres comme parmi les vins de qualité du Royaume. En 1560, du vin de Laudun est expédié à Rome par un patron de barques de Martigues.
Plus généralement les vignobles des côtes du Rhône, expéditeurs vers le centre de la France et Paris connaissent déjà un premier essor (A. Chabaud, 1967, t. II, p.53).

En fait, il faudra attendre le 17e siècle pour assister à un véritable essor du foncier viticole.

La hausse puis le recul de l'élevage de bétail à viande en garrigues au 16e siècle.

  • « L'âge d'or des troupeaux du Sud » : 1500-1530 (Le Roy Ladurie, 1966, p.274).
Dans la première phase de reprise démographique (1500-1530 environ), où, face à une population encore pas trop nombreuse, l'espace est largement disponible en saltus et garanti par les servitudes collectives (communaux, vaines patures), confirmées par les arrêts du Parlement de Toulouse.
Les fermiers-éleveurs, comme leurs « collègues » agriculteurs bénéficient de baux avantageux, en particulier ceux qui dépendent des « carnencs » (dîmes sur le bétail). Les prix de la viande augmentent, le revenu aussi. Les effectifs des troupeaux s'accroissent.

  • Le retournement de conjoncture à partir de 1530 : chute de la demande de viande et restrictions au pâturage en garrigues.
Dès 1520-1530, l'accroissement démographique, la paupérisation de la masse des salariés et petits propriétaires agricoles, font chuter la Demande de viande au profit des « bleds ».

Les défrichements en garrigues se répercutent également sur le foncier pour l'élevage.
10 à 15 % de la silva et du saltus ont été amputés par les défrichements agricoles. Les plantations d'oliviers et de vignes se protègent derrière des murs. Dès 1520 le tribunal de Toulouse interdit aux habitants de Gignac d'emmener les troupeaux paître dans les vignes et olivettes. En 1528 même chose à Lunel. En 1531-1532 les interdictions sont nettement étendues : les Etats demandent la mise en défens et l'interdiction du pacage collectif non seulement sur les olivettes et vignes, mais , aussi sur les autres fruitiers, prés, taillis, bois...(sauf autorisation du propriétaire). L'animal à viande est sacrifié – ou limité- au profit du végétal.
C'est aussi , en ce 16e siècle, un début de changement de mentalité concernant le foncier , dans les rapports élevage-agriculture:
La servitude, la dépaissance collective sur le foncier sont sacrifiés – ou limités- au profit de l'intérêt privé du cultivateur, au libéralisme frumentaire (Le Roy Ladurie, 1966, p.158-160).

Par contre, l'élevage des « bestes à laine », du fait de l'importance de l'industrie textile, est, globalement, épargné par cette conjoncture et ces mesures (voir chapitre suivant sur les forêts).

Le décollage de la rente foncière au 16e siècle :

La rente foncière tient à plusieurs facteurs : coûts de la main d’œuvre, prix de vente des récoltes, coût du fermage ou métayage payés en nature c'est à dire en part des récoltes, impôts.

  • La baisse des coûts de main d’œuvre.
Très rapidement, à partir de 1520-1530 et du « surcroît démographique », les coûts de main d’œuvre baissent. Les salaires diminuent. Les rations de campanage en nature (pain, vin, viande) aussi , et qui plus est avec des produits de moindre valeur : seigle plutôt que froment, piquette plutôt que vin. L'ouvrier agricole, le petit propriétaire qui se loue à la saison, à la journée sont de plus en plus misérables. Les exploitants agricoles peuvent donc dégager des marges de profit sur ce poste de dépenses.

  • La baisse de la charge fiscale en valeur réelle.
Les impôts seigneuriaux, essentiellement le cens, libellé en valeurs monétaires, sont rongés par l'inflation. En 1480 ils correspondaient en équivalent froment à 5% de la récolte, en 1580 à même pas 1%.
La dîme ecclésiastique reste bloquée à son niveau.
L'impôt royal, la taille « réelle » (payable en livres) représentait, vers 1580-1590, seulement l'équivalent de 6,2 % de la production agricole, étant restée en retard sur la hausse des prix de vente des produits agricoles.
Autrement dit le poids de l'impôt est relativement faible et baisse relativement par rapport à la production brute agricole.

Donc, pour une exploitation agricole, ces 2 postes de dépenses, la main d’œuvre et les impôts sont faibles et décroissants en valeur réelle : C'est autant de marge bénéficiaire dégagée.

  • La hausse des prix de vente.
Une 3e marge bénéficiaire existe : celle dégagée par la hausse des prix de vente des produits agricole du fait de la stagnation (relative) de l'Offre par rapport à la Demande, à partir de 1520-1530. par exemple les années 1526 et 1531 sont des années de « chertés » des grains (Vidal, 1993, p.224)
Au total le 16e siècle permet un décollage de la rente foncière.
A partir de là 2 cas de figure se présentent pour la répartition de cette rente foncière: être fermier ou propriétaire - exploitant direct.

  • L'enrichissement des fermiers  au 16e siècle.
Dans un premier temps, de 1480 à 1530, où la main d’œuvre était encore insuffisante, où il fallait reconstituer les terres, une partie des propriétaires fait appel aux fermiers. Les fermiers obtiennent alors des fermages avantageux : ils ne livrent au propriétaire que 20 à 25 % de la récolte. Et ces récoltes, en partie sur des terres neuves, sont relativement abondantes.
A partir de 1530, leurs bénéfices proviennent donc, d'une part, des marges de plus en plus rentables dégagées au détriment des employés et des impôts, d'autre part des 80 ou 85 % des récoltes...qu'ils vendront à un prix de plus en plus élevé à partir de 1530.
Le 16e siècle est donc une période d'enrichissement des fermiers. Leurs bénéfices se réinvestissent de diverses manières : soumission à des adjudications comme par exemple celles pour les perceptions de dîmes, activités marchandes en milieu rural, prêts à usure auprès de paysans nécessiteux, souvent gagés sur les terres de ceux ci, permettant donc des acquisitions foncières, éventuellement s'ajoutant à des achats directs : des fermiers deviennent eux même de nouveaux moyens ou grands propriétaires fonciers. Une bourgeoisie rurale de nouveaux riches se constitue.

  • Pour les propriétaires : être rentier ou exploitant direct.
Dans ces conditions, les « anciens » propriétaires fonciers ont, fondamentalement, deux choix :
Le premier, pratiqué au 16 e siècle, est de se contenter des fermages à 20 ou 25 %, certes très avantageux pour les fermiers, mais qui, cependant, présentent plusieurs avantages : ne pas « mettre la main à la pâte », ne pas prendre de risques (accidents climatiques, guerres de religions à partir de 1560 ...) L'avantage pour le propriétaire est donc d'être « rentier », d'autant que cette rente en récoltes suit l'augmentation des prix. On estime que le rapport entre la valeur du capital investi (le prix de la terre) et le produit de la terre (la « rente réelle » c'est à dire, ici, assise sur les biens) se maintient, quasi constamment à 3 %. Pour le propriétaire-rentier, le fermage est donc, finalement, un placement sûr, « en bon père de famille ».
Le second choix, celui d'Olivier de Serres, précurseur dès 1500, est de ne pas laisser le profit agricole aux fermiers, mais d'en profiter soi même c'est à dire d'être exploitant direct. On bénéficie alors des mêmes marges et sources d'enrichissement que le fermier (salaires et impôts en baisse, prix de vente des récoltes en hausse), avec, en plus les 20 ou 25 % de récoltes.
(Le Roy Ladurie, 1969, p.116 à 146).


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